(Par Murielle Delaporte) – Directrice centrale du service de santé des Armées (DCSSA) depuis 2017, le médecin général des Armées Maryline Gygax Généro souhaite veiller à la régénération de ses personnels et des moyens une fois la crise du Covid-19 passée. Lors d’une audition devant la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat le 17 avril dernier, elle a en effet conclu son propos liminaire de la façon suivante :
« (…) dans le cadre de cette crise majeure, le SSA répond présent à hauteur de ses moyens, lesquels ne sont pas, et n’ont jamais été conçus pour répondre à des problématiques de santé publique à l’échelle de notre pays : le SSA a pour raison d’être le soutien des armées et la satisfaction du contrat opérationnel. Il a comme vous le savez subi des réductions significatives de format au cours des LPM précédentes, en même temps que les armées réduisaient le leur. Depuis, les effectifs des armées ont été renforcés, et la LPM actuelle permet de stabiliser les moyens du SSA, avec une légère augmentation en deuxième partie de LPM. Il y aura sans nul doute des conséquences à tirer, à l’issue de cette crise, même s’il est certainement encore un peu tôt pour déterminer précisément le niveau et la nature des moyens du SSA à réexaminer, qu’il s’agisse de spécialités médicales ou de moyens matériels. Je serai également attentive à la régénération des personnels du SSA, et à l’organisation qui permettra de soutenir les armées lorsqu’elles reprendront la plénitude de leurs activités. »[1]
Médecin général des Armées Maryline Gygax Généro
En soulignant la vocation première du SSA qui est « le soutien des Armées et la satisfaction du contrat opérationnel », la DCSSA met le doigt sur la problématique du recours aux forces armées en renfort de structures civiles non seulement insuffisantes, mais insuffisamment préparées à l’éventualité de scénarios envisagés par les planificateurs, mais que l’euphorie des décennies post-Guerre froide a relégué au rang d’hypothèses et non de probabilités. Si les attaques terroristes des années 2010 avaient commencé à sensibiliser les primo-intervenants à la nécessité d’anticiper les tueries de masse et à s’exercer régulièrement – en interministériel et entre services concernés – y compris dans des scénarios de type NRBC, nul doute que cette pandémie achèvera de parfaire une telle prise de conscience.
L’exemple de la création ex nihilo d’un service de réanimation de trente lits sous tente en appui de l’hôpital de Mulhouse à la demande du président de la république est illustratif d’une demande atypique de ce que le SSA a coutume de faire ces dernières années en opération extérieure : « l’un des grands atouts du SSA réside dans son aptitude à concevoir des unités de soutien médical des armées dans tous les environnements. Ainsi, lorsque le président de la république a exprimé, le 16 mars le souhait qu’une structure de réanimation militaire soit mise en œuvre en appui de l’Hôpital de Mulhouse, nous avons conçu, équipé, et déployé à partir du 21 mars l’Elément militaire de réanimation du SSA. Je souligne qu’il ne s’agit pas d’un hôpital de campagne à proprement parler, car ce n’est pas une structure autonome, mais un authentique service de réanimation de 30 lits sous tente, sécurisé, qui a été créé ex nihilo en moins d’une semaine et déployé grâce au soutien des armées. Il est destiné à accueillir des patients hautement infectieux, ce qui est assez différent de la prise en charge des blessés de guerre à laquelle nous sommes rompus », a ainsi expliqué le général Gygax Généro devant la commission du Sénat.
En dépit des coupes budgétaires et des fermetures de nombre d’hôpitaux militaires subies par le SSA au fil des années et des réformes et au-delà de la mise en place très médiatisée de l’EMR-SSA, la réactivité et la capacité de montée en puissance du soutien santé ont cependant été démontrées à au moins trois niveaux dès le début de la crise actuelle :
- Le triplement de la capacité des HIA (hôpitaux d’instruction militaire) en lits de réanimation, passé de « 57 avant la crise à 166 » : depuis le début de la crise, ce sont ainsi « près de 2000 patients covid qui ont été hospitalisés au sein des HIA, dont 354 en réanimation. 5000 patients covid ont en outre été vus en consultation. A lui seul, l’Hôpital Bégin a réalisé 30% de l’activité de réanimation covid du SSA. »
- Les Evasan et transferts de patients Covid à la fois par hélicoptère et par A330 Phénix équipé pour la première fois du Kit Morphée et utilisé – également pour la première fois – sur le sol national : entre le 18 mars et le 3 avril, « ce sont au total 36 malades intubés et ventilés qui ont ainsi pu être transférés sans aucune dégradation de leur état clinique vers d’autres régions, pour soulager les services de réanimation du grand Est. Je n’oublierai pas de citer les évacuations de patients graves sur les hélicoptères de l’armée de terre, armés par des équipes du SAMU ou de notre médecine des forces. Nos infirmiers et médecins ont également participé à la mission de transfert de patients depuis la Corse sur le PHA Tonnerre, ainsi qu’à certains transferts de patients par trains sanitaires. Au total, 106 patients ont été évacués par des soignants du SSA, et 28 patients par l’escadrille aéro-sanitaire. »
- La prise en compte de la pandémie dans le quotidien des Armées dont la vie en collectivité est la caractéristique première, notamment en ayant recours à la télémédecine : « la médecine des forces s’est très vite adaptée à la situation covid, en réorganisant les antennes médicales en circuits différenciés de prise en charge. Surtout, le déploiement d’une solution de télémédecine, en heures ouvrables comme en heures non ouvrables, au profit des militaires et de leurs familles, ainsi que des civils de la défense, a permis d’apporter un soutien qui, je crois, est fort apprécié. Près de 1000 téléconsultations sont réalisées chaque jour, dont 75% en lien direct avec le covid.»[2]
La situation à bord du Charles de Gaulle a rappelé à quel point contraintes militaires en milieu par essence « confiné » et mesures de distanciation sociale sont par nature antinomiques. Une raison supplémentaire pour saluer la continuité opérationnelle dont font montre nos forces armées en cette période particulière.
[1] Propos liminaire, page 9 >>> https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_etrangeres/Coronavirus_suivi/20200417_propos_liminaire_DCSSA.pdf
[2] Ibid
Pour accéder au pdf, cliquer sur le lien suivant >>> DCSSA propos liminaire Senat avril 2020
Photo 1 © MinArm, telle que publiée par la Voix du Nord >>> https://www.lavoixdunord.fr/727302/article/2020-03-16/le-service-de-sante-des-armees-en-renfort-en-alsace
Photo 2 © https://www.defense.gouv.fr/ema/chef-d-etat-major-des-armees/actualite/rencontre-avec-la-dcssa