(Par Murielle Delaporte) – Barkhane à l’ère du Covid : « une contrainte opérationnelle comme une autre  » (suite)

Entretien avec le Général Cyril Carcy, commandant en second de la force Barkhane

Un « isolement naturel », l’atout de Barkhane face au Covid

Même si la promiscuité est par nature incompatible avec les mesures de confinement et de distanciation sociale, le rythme des opérations et l’organisation sur un théâtre comme Barkhane font que les militaires sont « isolés naturellement » en ne restant pas sur les bases. « Les compagnies vivent par essence en autonomie, isolées des autres et les unités terrestres escadronnent dès lors qu’elles sont sur le terrain appliquant les principes traditionnels de la BOAT – Base opérationnelle de théâtre ou mise en carré – », rappelle le Commandant en second de Barkhane.

Cette vie en autarcie a l’avantage de faciliter un éventuel isolement et traitement en cas de suspicion de cas Covid. En cas de déploiement loin des installations hospitalières fixes, la « Golden hour »[1] est tout comme pour n’importe quel militaire blessé ou malade respectée en permanence pour une Evasan vers le Rôle 2 le plus proche.

A la question de savoir ce que le Covid a changé dans le quotidien de Barkhane, le général Carcy cite les deux évolutions récentes suivantes :

  1. L’intégration d’équipes NRBC et de spécialistes chargés de la désinfection des matériels au sein de l’ensemble du dispositif et du théâtre : « la désinfection concerne en fait surtout les matériels utilisés à l’intérieur des bâtiments : un clavier d’ordinateur, une station de drone seront plus à risque que les équipements exposés à l’extérieur étant donné les fortes températures, qui sont pour nous dans ce cas un véritable avantage » ;
  2. La distanciation sociale avec les partenaires africains, laquelle ne coule pas forcément de source sur un continent vivant malheureusement au quotidien avec ce type de défi et de risque de contagion que ce soit avec des épidémies comme Ebola ou autre risque sanitaire. De cette nécessité est cependant née l’innovation en BSS avec notamment l’utilisation des imprimantes 3D pour la fabrication en urgence de visières plus pratiques et moins anxiogènes pour « filtrer » les relations avec le monde extérieur.

En pratique cependant, la cohabitation avec ce défi opérationnel supplémentaire se fait de façon très naturelle et ne pose pas de souci particulier grâce à l’habitude des forces armées de vite intégrer des automatismes par l’entraînement et la répétition : « nous avons énormément ‘driller’ depuis deux mois et les automatismes sont aujourd’hui acquis. Nous menons les opérations comme prévu et cela se passe normalement compte tenu des ennemis à combattre », conclut, rassurant, le général Carcy.

 

[1] La « Golden Hour » est l’heure considérée essentielle entre l’occurrence d’une blessure et l’arrivée du soutien médical permettant de sauver la personne. Ce principe d’intervention s’est considérablement développé pendant les opérations menées en coalition en Afghanistan (cf : De l’or au platine : à quelques secondes près,  Soutien Logistique Défense # 4, Hiver 2011 >>> SLD # 4 dossier soutien sante en Afghanistan de l’heure Gold a la minute Platine)