Par Linda Verhaeghe – Entretien avec le général de division Marc Boget, Commandant de la gendarmerie dans le Cyberespace
Jusqu’alors directeur adjoint du numérique auprès du ministère de l’Intérieur, le général de division Marc Boget a pris la tête du nouveau Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, le 1er août 2021. Dans un contexte de recrudescence des cybermenaces, il établit un premier point d’étape sur les enjeux actuels et à venir du ComCyberGend.
Dans quel contexte la création de ce nouveau commandement spécialisé cyber au sein de la gendarmerie s’inscrit-il ?
Une situation sérieuse en matière d’atteintes numériques : 6 000 milliards de préjudices au niveau mondial, 7 à 10 milliards au niveau national, et des échéances très importantes qui arrivent pour notre pays avec un risque cyber prégnant et transfrontalier : l’élection présidentielle, la coupe du monde de rugby en 2023, les JO en 2024,… Nous n’avons plus le temps de faire de l’à peu près. Nous devons nous mettre en ordre de bataille vite et de manière collaborative, car les cybercriminels, eux, continuent à faire des victimes publiques et privées.
C’est fort de ce constat que le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a souhaité créer ce commandement unique, qui couvre l’ensemble du champ cyber, de la prévention à l’ investigation, et que j’ai l’honneur de commander.
Les nombreux forums internationaux, tels que le FIC de Lille, ont démontré, si besoin en était, l’intérêt de nos partenaires à échanger nos informations, nos techniques et autres ingénieurs dans un but unique : celui de sensibiliser les populations tout en créant un climat d’insécurité pour les cyberdélinquants.
Que représente plus précisément ce commandement et comment est-il structuré ?
Ce commandement agrège 7 000 cyberenquêteurs partout sur le territoire national et a vocation en 2023 à atteindre les 10 000 cyberenquêteurs. Au-delà de ces spécialistes, l’ensemble des gendarmes reçoivent désormais une « touche numérique » plus importante lors de leur formation initiale, et se verront dispenser à court terme des MOOC de mise à jour de leurs connaissances en la matière. Mieux accompagner les victimes de la sphère numérique, telle est notre ambition. Mais il s’agit aussi de travailler sur les réseaux plus structurés de cybercriminels à travers le recrutement d’ingénieurs formés à ce domaine.
C’est pour cette raison que la gendarmerie recrute désormais 40% d’officiers ayant un profil scientifique, ou cyber dans toute son acception (spécialiste du droit cyber, par exemple). On change ainsi de paradigme et de besoin. Actuellement, et pour faire simple, je compte quatre grandes divisions au niveau central : investigations avec le très connu Centre de lutte contre les criminalités numériques (ou C3N), appui aux opérations numériques avec nos « experts », stratégie/prospective/partenariats, et enfin proximité numérique, ainsi qu’un ensemble d’unités opérationnelles réparties dans chaque région et collectivité d’outre-mer.
Ce schéma très intégré avec les autres unités de gendarmerie et en étroites relations avec les autres administrations (douanes, police,…) constitue une force de frappe qui continue de monter en puissance à la faveur des nombreuses conventions et partenariats noués en France, comme à l’international, notamment au niveau européen.
Qu’en est-il des perspectives de commandement cyber conjoint avec la police ?
Le ministre de l’Intérieur est récemment venu à la rencontre des policiers et des gendarmes travaillant sur la cybersécurité. Un service à compétence nationale est en gestation. Nous participons évidemment à élaborer ce projet nécessaire et utile à la sécurité de nos concitoyens en mode collaboratif avec l’ensemble de nos partenaires. Celui-ci sera certainement préfigurateur d’une unique entité capable de parler d’une seule voix en national et auprès de nos contacts internationaux.
Cela s’inscrit également dans le projet présidentiel du Campus Cyber qui ouvrira ses portes en début d’année 2022 à La Défense et qui regroupera sur un même lieu incubateur des entreprises privées et publiques ainsi que les administrations en charge de la chose cyber. Ce Pentagone cyber à la française est essentiel pour les défis à venir.
Photos © https://mobile.twitter.com/CyberGEND et Sirpa gendarmerie