Par Linda Verhaeghe – Guerre des drones : l’armée de Terre veut étendre la capacité au sein de l’ensemble de ses unités

Alors que les drones se sont imposés sur le champ de bataille, aussi bien pour des missions de reconnaissance, de surveillance, de renseignement, de guidage de tirs, ou d’attaque et de largage d’explosifs, en France, l’armée de Terre a particulièrement bien pris en compte cette révolution stratégique et tactique, tant en matière d’équipement que d’entraînement de ses soldats.

Que ce soit en termes d’intégration au sein de l’ensemble de ses unités, que de mise en œuvre d’une professionnalisation parmi ses soldats, l’armée de Terre s’est efforcée d’intégrer ces petits aéronefs pilotés automatiquement ou bien à distance, aux atouts multiples. Economiques, efficaces et moins risqués pour la vie des soldats ou vis-à-vis de potentiels dommages collatéraux, capables d’évoluer dans la profondeur en zone hostile, ils sont devenus incontournables ces dernières années, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Ainsi, malgré un retard qui, de manière générale, demeure toujours réel en la matière au sein des forces françaises, l’armée de Terre détient à ce jour près des trois-quart de l’arsenal global actuellement déployé dans les armées, soit environ 2000 drones militaires (avec une cible de 3 000 drones d’ici 2025) : nano-drones de combat Black Hornet (société Flir), micro-drones NX70 (société Novadem) et Anafi (société Parrot), mini-drones de reconnaissance Spy’Ranger (SMDR, société Thales), drones tactiques Patroller (SDT, société Safran), pour les principaux modèles.

 

Les challenges du CENTAC

Cette dynamique qui caractérise l’armée de Terre s’inscrit dans une volonté affichée d’atteindre le rang de première armée de Terre européenne dans la guerre des drones aéroterrestres et s’illustre par l’accent mis sur la formation des soldats, qui passe notamment par l’organisation annuelle de l’exercice « Dronex ». Au cours de la 4e édition de ce challenge de drones aériens de niveau tactique, une soixantaine de télépilotes et une vingtaine de nano et de mini-drones ont été mis en oeuvre au Centre d’entraînement au combat (Centac) – 1er Bataillon de chasseurs à pied (1er BCP), le centre d’excellence de la préparation opérationnelle des forces terrestre basé à Mailly-le-Camp (Aube), du 22 au 24 mai 2023, autour de scénarios proches des engagements extérieurs récents.

« Le Centac contribue à l’appropriation de la capacité drone au sein de l’armée de Terre sur notre segment qui est l’entraînement tactique. Nous proposons donc depuis quatre ans une séquence annuelle spécifique sous forme de challenge, au cours duquel sont mis en situation des télépilotes de nano et de mini-drones et des chefs tactiques, par le biais de missions défensives et offensives. (…) Cet entraînement est assez prisé des unités, car il permet de croiser et de synchroniser la logique tactique et la logique technique », explique le colonel Pierre-Antoine Simon, chef de corps du Centac-1er BCP jusqu’à récemment (le colonel Axel Denis en est le commandant actuel).

Lors de Dronex, une vingtaine d’équipes a été répartie entre deux catégories : Black Hornet 3 (micro-drone de 30 grammes en service dans les sections et pelotons des unités de l’armée de Terre) et mini-drones quadricoptères, le tout équipant des sections et sous-groupements interarmes, pour ensuite participer à cinq ateliers : un vol de nuit, un vol libre, puis trois épreuves notées dans le cadre du challenge lui-même. Soit, une épreuve de maniabilité et une épreuve d’analyse technique (le drone doit évoluer sur un parcours donné impliquant certaines contraintes, pour chercher une information) et une mission offensive (un ordre est donné au chef de section de reconnaître un village suspecté d’être tenu par l’ennemi et un autre à son télépilote d’effectuer une reconnaissance).

Si l’emploi de drones par l’armée de Terre ne date pas d’hier, « la pertinence de l’intuition qu’elle a eue d’intégrer ces systèmes au plus près des unités s’est vérifiée sur les théâtres d’opération [alors que ceux-ci] ont apporté une dimension supplémentaire au combat grâce à davantage d’agilité, de rapidité et de réactivité, au bénéfice des unités, facteurs de supériorité tactique sur le champ de bataille, tout en permettant de préserver le potentiel humain. D’où la montée en puissance de mini-drones au sein des unités de l’armée de Terre, même non spécialisées » souligne le colonel.

L’école des drones du 61e RA

Parmi les unités ayant été associées à ce challenge, on trouve en particulier le 61e Régiment d’artillerie (61e RA), basé à Chaumont (Haute-Marne). Appartenant à la brigade de renseignement. Le régiment des « Diables noirs » est spécialisé dans le renseignement d’origine image (ROIM), qu’il capte via des drones dotés de moyens de réception d’images par satellite. Pour le colonel Philippe Moulier, ancien chef de corps du 61e RA (il vient de passer le commandement du régiment cet été au colonel Pierre-Yves le Viavant), « l’actualité des cinq dernières années est marquée par une multiplication de différents types de drones, une miniaturisation de ceux-ci, tout comme un développement de grands drones de plus en plus performants, ainsi qu’une démocratisation de leur emploi, aussi bien dans le milieu civil que militaire. (…) L’arrivée de ces systèmes pour un régiment spécialisé comme le 61e RA permet à la fois d’aller chercher le renseignement sur des distances plus longues, sur des zones plus grandes, de déployer des petits systèmes (type drones de contact, pour le renseignement d’alerte et de sûreté) et de former des télépilotes au sein de toutes les unités de l’armée de Terre ».

Le 61e RA dispose de fait d’ores et déjà d’un centre de formation dédié aux drones pour l’armée de Terre, devenu cet été « l’école des drones ». Cette dernière a été chargée de délivrer les différentes qualifications relatives, notamment aux instructeurs qui iront eux-même former les opérateurs dans les régiments de toutes les forces terrestres, au plus près des besoins des armes qui utilisent ces drones : que ce soit dans des régiments du génie, de cavalerie, de logistique, d’infanterie ou encore d’artillerie…

PHOTOS

Photo 1 : les épreuves du challenge Dronex, confiées au chef de section et à son télépilote, impliquent une épreuve de maniabilité, une épreuve d’analyse technique et une mission offensive © Centac-1er BCP

Photo 2 :  lors du challenge Dronex 2023, une vingtaine d’équipes a été répartie dans deux catégories de mini-drones : Black Hornet 3 et différents drones quadricoptères © Centac-1er BCP

Photo 3 : le colonel Philippe Moulier, ancien chef de corps du 61e Régiment d’artillerie (61e RA), basé à Chaumont (Haute-Marne)