Par Linda Verhaeghe – Le cycle de conférences de Milipol Paris 2025 a, pour cette édition, mis l’accent sur un enjeu majeur, à savoir celui de l’impact de l’intelligence artificielle et des technologies numériques sur la sécurité et sur les enquêtes criminelles.

Loin d’être un sujet de prospective, l’IA transforme déjà les méthodes d’investigation, accélérant l’analyse de données massives et révélant des signaux faibles jusqu’ici invisibles1.

Parmi les interventions marquantes qui ont illustré l’édition 2025 de Milipol, celle de Jérémy Kespite, expert Innovation et Intelligence Artificielle au sein de l’Innovation Lab d’Europol, intitulée « Les nouvelles menaces criminelles à l’ère de l’intelligence artificielle », a mis en lumière la manière dont les organisations criminelles exploitent l’intelligence artificielle (IA), afin d’augmenter leur productivité et leur rentabilité, tout en restant anonymes et difficiles à tracer.

Selon le colonel de gendarmerie, l’IA permet en effet aux criminels d’automatiser des tâches malveillantes, de générer des contenus visuels ou audiovisuels sophistiqués, comme des deepfakes ou des documents falsifiés, et d’analyser de grandes quantités de données afin de cibler rapidement leurs victimes. L’arrivée de ChatGPT en novembre 2022, la démocratisation de technologies, telles que Stable Diffusion, et la progression constante des algorithmes ont rendu ces outils accessibles à un public plus large, ce qui explique l’augmentation exponentielle de leur usage à des fins criminelles. Les rapports d’Europol confirment cette tendance et soulignent l’évolution rapide de l’IA dans le paysage criminel.

Parallèlement, ces mêmes technologies offrent aux services de sécurité de nouvelles capacités d’investigation. Elles permettent de croiser et d’analyser des volumes de données sans précédent, de détecter des signaux faibles dans des délais très courts et d’identifier des comportements suspects à grande échelle.

Cette puissance n’est bien-sûr pas sans soulever des questions éthiques et juridiques : la traçabilité des données, la transparence des modèles, la maîtrise des biais et la supervision humaine demeurent ainsi des préoccupations essentielles.

L’édition 2025 de Milipol a constitué un lieu d’échanges pour ouvrir le débat, réunir les compétences nécessaires et garantir des usages responsables de l’IA au service de la sécurité intérieure, avec un message central : l’intelligence artificielle et les technologies numériques sont déjà intégrées dans les laboratoires et services d’enquête, accélérant les analyses et révélant de nouvelles menaces. Face à l’évolution rapide des capacités de l’IA (modulation de voix, génération d’images et d’animations, automatisation de contenus), les acteurs de la sécurité doivent se montrer à la fois vigilants et innovants pour contrer l’usage malveillant de ces technologies.

Photo : le colonel Jeremy Kespite intervient dans le cadre du cycle de conférences de Milipol 2025 © Linda Verhaeghe

(1) Voir par exemple sur ce sujet notre article publié dans le Best OPS 2024 : L’intelligence artificielle au service de la forensique : un secteur prometteur encore à défricher, Murielle Delaporte, juin 2024 (bientôt disponible en ligne).