Par Amélie Spire [email protected]
Au sein du Ministère de la Défense, l’Armée de l’Air, la Marine et l’Armée de Terre font appel aux compétences aéronautiques d’entreprises publiques et privées pour assurer la maintenance et la modernisation des aéronefs militaires. Un service spécial est dédié à ces activités : le Service Industriel de l’Aéronautique (anciennement Service de la Maintenance Aéronautique). Rattaché organiquement à l’Armée de l’Air, il dispose d’une administration centrale et a autorité sur les Ateliers Industriels de l’Aéronautique, sites de production situés à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Ambérieu en Bugey et Cuers-Pierrefeu.
Ces Ateliers prennent en charge les opérations de maintenance industrielle des cellules et équipements d’aéronefs militaires. Outre les opérations de maintenance programmées classiques, ils réalisent des études de modifications, transformations et modernisation d’équipements d’aéronefs, de simulateurs, de bancs d’essais et de logiciels pour ensuite les réaliser. Ils peuvent aussi assurer des prestations d’expertise en matière de maintenance aéronautique.
Chaque Atelier a ses spécificités et ses activités propres. Pour mieux rendre compte de leur fonctionnement, prenons l’exemple du site de Cuers-Pierrefeu, qui se place comme expert dans la conception et la maintenance des radômes en particulier. Cet Atelier est organisé en sous-directions, chacune étant fragmentée en pôles, eux-mêmes répartis en divisions. A Cuers, on recense les sous-directions technique, administrative, commerciale, et celle de gestion organisation. Au niveau technique, trois pôles se relaient sur les opérations de maintenance.
Chaque pôle prend en charge les opérations d’entretien d’hélicoptères ou d’avions militaires, comme à Cuers où se côtoient Puma, Lynx, Dauphin-Panther, Hawkeye, Atlantique 2 et Super Etendard.
L’incontournable Puma Parmi ces aéronefs, le Puma attire l’attention par son âge et son importance au sein des armées. Appartenant à la catégorie dite des “hélicoptères de manœuvre” , cet hélicoptère doit satisfaire à des objectifs précis pour mener à bien des missions variées. Il doit pouvoir transporter douze hommes et trois cent kilos de matériel à une vitesse de deux cent cinquante kilomètres/heure afin d’effectuer des missions par tout temps et à basse altitude. Cet hélicoptère revêt donc une grande importance dans le soutien des forces terrestres et/ou aériennes puisqu’il est équipé pour toutes sortes d’opérations. Sauvetage en mer (notamment d’équipages éjectés) grâce au treuil et au puissant phare avant, défense grâce à des équipements prévus pour l’armement et le parachutage, approvisionnement et transport grâce à sa capacité de charge… Le Puma se révèle indispensable sur le terrain.
Pour ces raisons, et aussi en conséquence de son vieillissement, sa maintenance doit être aussi allégée que possible et son transport par voie ferrée ou « Transall » ne doit exiger qu’un minimum de démontage. Ce sont ces problématiques auxquelles les techniciens et leurs supérieurs doivent s’intéresser pour trouver des solutions viables et économiques. Accroître les performances d’aéronefs vieillissants, prévenir d’éventuelles usures, tenir compte des anomalies recensées sur les appareils immobilisés…
Réduire les temps d’immobilisation La mission des équipes de maintenance est multiple, et il faut ajouter à ces exigences techniques des notions de délais. Les visites doivent être plus courtes, donc mieux organisées en amont, afin de n’immobiliser l’aéronef qu’un temps minimum. Pour cela, deux types de visite sont imposées aux appareils, en fonction de leur temps de vol cumulé effectif et/ou de leur vieillissement: les Visites Périodiques (VP) et les Grandes Visites (GV).
- Les premières ont pour but de diagnostiquer les anomalies majeures pour y remédier temporairement, jusqu’à ce que la cellule ait atteint un temps de vol limite (l’objectif des deux visites ayant pour mission de restituer du potentiel à la cellule) ;
- A cette limite, on procède alors à la Grande Visite, qui met entièrement à nu l’appareil. L’aéronef est complètement désossé et fait l’objet d’une auscultation méticuleuse pour réparer le moindre joint, le moindre rivet non conforme. La principale difficulté que rencontrent les équipes de maintenance concerne les délais. D’environ quatre cent cinquante jours d’immobilisation de l’appareil, ces GV ont pour objectif d’en atteindre trois cent soixante d’ici la fin de l’année 2011.
Ce projet est ambitieux, et c’est pour cela que des méthodes d’organisation, inspirées de méthodes japonaises ayant fait leurs preuves (« Lean Management », règle des 5S etc.), sont en application, telle l’opération AMETIST (amélioration des temps industriels) qui se déploie dans tous les AIA. Il s’agit d’organiser le travail de façon optimale pour agir le plus rapidement et efficacement possible : une optimisation temporelle se mettant donc en place grâce à une optimisation matérielle. On repense par conséquent les plans des Ateliers, les postes de travail, et on trie les outillages et les pièces de rechange en les rangeant dans des « armoires » de tri entièrement automatisées. Gain de place, gain de temps, gain d’efficacité et donc de productivité. Même si le but des AIA n’est pas d’accroître encore sa production, qui elle est fixée par les demandes des clients, l’enjeu de productivité est réel. Anticiper au mieux les pannes Un autre paramètre d’optimisation du temps de visite consiste à recenser les pannes récurrentes sur le PUMA pour anticiper davantage et pourvoir plus rapidement aux réapprovisionnements en pièces ou vérifier en priorité les zones les plus exposées. Bien sûr, les pannes diffèrent selon le terrain opératoire du PUMA considéré : les filtres à air sont par exemple plus régulièrement changés sur des hélicoptères envoyés en zone désertique, et la corrosion affecte davantage les cellules des hélicoptères destinés aux sauvetages en mer… Mais on peut aussi remarquer des pannes et dysfonctionnements indépendants de la destination de l’aéronef, et c’est dans ces cas qu’établir l’historique des réparations devient utile. Qu’il s’agisse de défauts mineurs ou de réparations plus conséquentes, certaines zones de la cellule bénéficieront grâce à ces listes d’une attention particulière, ce qui évitera des problèmes ultérieurs et accélérera les reprises. L’objectif final de réduction du temps d’immobilisation du PUMA suppose donc une réorganisation des moyens et méthodes de travail. Projet ambitieux, il n’en est pas moins réalisable et nécessaire au terme de ce temps d’adaptation et de reprises.
Anticiper davantage pour prévoir les réapprovisionnements en pièces détachées- d'autant plus difficiles à trouver sur matériel anciens - fait partie des objectifs constants des AIA (crédit photo : AIA Cuers-Pierrefeu, 2009)
En effet, ce type d’Atelier industriel étatique, géré par le Ministère de la Défense, est un atout majeur pour les Armées Françaises. Bien que la majorité des aéronefs en service date des années soixante, on ne peut que souligner leur état exceptionnel compte-tenu de leur âge. A renfort de modernisations des équipements, d’aménagements successifs pour se plier aux nouvelles technologies d’armement et aux besoins, les avions et hélicoptères militaires se maintiennent et s’adaptent aux évolutions inéluctables (navigabilité, règlements OACI etc.). Les Ateliers Industriels Aéronautiques permettent de maintenir ces aéronefs opérationnels, même après que les entreprises privées n’assurent plus leur entretien. Ils deviennent donc des références en expertise aéronautique, développant des techniques de métrologie et de réparations à la pointe du progrès, et rassemblant des savoir-faire de plus en plus rares aujourd’hui. Cela est d’autant plus vrai que ces Ateliers sont les derniers dépositaires de pièces anciennement utilisées dans les vieux aéronefs et qui ne se fabriquent plus de nos jours. Il s’agit donc de ressources inestimables pour l’Etat, qui n’est ainsi pas dépendant d’un tiers pour maintenir la vaillance de sa flotte aérienne, et peut si nécessaire se suffire à lui-même. ———- *** Posté le 15 septembre 2010