17/05/2011 – Entretien avec Xavier Allegrini, directeur du développement, et Cédric Paternostre, responsable du pôle défense et aéronautique



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C’est en 1991 qu’Eric de Tocqueville et Frank Weiser rejoints par Michel Monteillard en 1996, fondent LGM et introduisent en France le concept de société de services en Soutien Logistique Intégré (SLI).  Avec près de cinq cents salariés, LGM précurseur il y a vingt ans, fait aujourd’hui autorité dans ce domaine.  Rapidement, l’entreprise a étendu ses activités de conseil à l’ingénierie système, la sûreté de fonctionnement et la gestion de projet et le Maintien en Condition Opérationnelle.

 

 

Dans l’entretien ci-dessous, Xavier Allegrini, directeur du développement, et Cédric Paternostre, responsable du secteur défense et aéronautique chez LGM, témoignent des spécificités et de la diversité d’une spécialité en mutation et exercée à la croisée de tous les acteurs du soutien (donneurs d’ordres, grands maîtres d’œuvre, «petits » industriels). La société a fortement diversifié ses secteurs d’intervention et procède pour ses clients de la défense, des transports, de l’énergie et de l’automobile à une «redistribution » des meilleures pratiques. Un positionnement que seule une société de services indépendante et focalisée sur quelques niches métier est en mesure d’avoir et dont elle fait également profiter les PME du secteur défense.

 

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Source :  LGM, janvier 2011

 

SLD : Comment décririez-vous l’identité propre de LGM dans un contexte de forte évolution des métiers du soutien ?

Xavier Allegrini : LGM est une société de services à l’industrie caractérisée par la complémentarité de différents métiers, tels que le Soutien Logistique Intégré, la Maîtrise des Risques, le management de programme, l’ingénierie des logiciels embarqués et des systèmes de test. C’est cette complémentarité qui permet à LGM d’offrir des solutions globales à ses clients en termes d’études et de réalisation de soutien logistique. Avec la prise en compte des nouvelles technologies de l’information, LGM développe et réalise aussi des solutions de documentation électronique interactive lui permettant de concourir à la réalisation d’un support logistique plus performant.

Cédric Paternostre : En ce qui concerne l’activité « logiciel », nous ne sommes pas éditeur de solutions. Nous intervenons en matière de soutien avec une offre outillée et une méthodologie à même de répondre à une problématique client donnée. Nos technologies sont simples, mais innovantes.

Xavier Allegrini : Nos domaines d’intervention sont variés et peuvent concerner des matériels ou des organisations. Cela peut aller de l’étude d’équipements (fiabilisation, système de maintenance) ou de systèmes (disponibilité globale) jusqu’à la gestion de réparation et de flux de maintenance. Nous nous occupons par exemple de l’optimisation des flux dans les ateliers de maintenance de la SNCF. Dans le domaine militaire, nous intervenons sur des systèmes mobiles et des infrastructures dont le cycle de vie est très long (trente ans en moyenne). Ces systèmes ont obligation à être disponibles à un moment précis, mais ne sont pas utilisés en permanence de manière intensive. Dans le cas du secteur du transport civil au sens large, le taux d’utilisation des équipements est élevé et les intervalles de maintenance sont réduits pour l’exploitation commerciale : il s’agit là encore de limiter au maximum l’indisponibilité. Un autre secteur un peu particulier où nous intervenons aussi en matière d’optimisation de gestion de maintenance est celui des milieux sensibles type nucléaire. Les équipements concernés pouvant être les instruments scientifiques ou les réacteurs électrogènes dans le cas d’EDF, pour lesquels un demi pour cent d’optimisation sur un an se traduira en millions d’euros pouvant être réinvestis.

Dans la mesure où nous avons diversifié nos secteurs d’intervention (défense, transports, énergie, automobile), nous faisons en permanence de la « fertilisation croisée » et essayons de capitaliser sur les bonnes pratiques perçues dans tel secteur pour les mettre utilement en application dans un autre. Il s’agit là d’un positionnement que seule une société de service indépendante et focalisée sur quelques niches métier est en mesure d’avoir.

Dans la mesure où nous avons diversifié nos secteurs d’intervention (défense, transports, énergie, automobile), nous faisons en permanence de la « fertilisation croisée » et essayons de capitaliser sur les bonnes pratiques perçues dans tel secteur pour les mettre utilement en application dans un autre secteur.

Le ministère de la défense encourage l’innovation et ouvre des chantiers recherche, tels que la mise au point de l’emploi de capteurs sur les plateformes mobiles des véhicules militaires permettant de mieux assurer la maintenance préventive ou le soutien en OPEX. Dans ce contexte, nous pouvons importer des solutions issues du domaine civil automobile, où le client a une sensibilité économique très forte avec des contraintes d’optimisation – vitesse de réparation, diagnostic de pannes, et surtout coût (approche série). C’est aussi le cas par exemple dans l’industrie aéronautique, où nos clients vont de facto bénéficier des retombées du capital d’expérience acquis.

 

SLD : Vos activités incluent une partie maîtrise des risques et conseil au niveau des appels d’offre dans le domaine de la défense : y a-t-il une évolution des profils clients qui vous sollicitent et en particulier en ce qui concerne une éventuelle demande PME ?

Xavier Allegrini : LGM travaille en effet au service d’un panel diversifié de clients : pouvoirs publics, grands maîtres d’œuvre (Thales, Dassault, EADS, CEA, etc) et grands équipementiers tels que Safran. Mais il est vrai que l’on observe une augmentation sensible des demandes de fournisseurs d’équipements et ensembliers de taille plus modeste. Cet accroissement est lié à une mise en situation concurrentielle plus forte (y compris avec des équipementiers étrangers) et à une évolution des appels d’offres : autrefois un donneur d’ordres service achat d’un maître d’œuvre envoyait une spécification technique à différents équipementiers, lesquels devaient répondre en priorité à des critères de masse, d’interfaces technique, etc. Aujourd’hui, ces derniers doivent adjoindre aussi des critères de facilité et de fiabilité du soutien, testabilité de l’équipement, documentation fournie sur étagère, gestion de configuration ou basculement aisé des données techniques. Les préoccupations d’aptitude au soutien et les demandes de conseil en ce domaine sont donc effectivement en train non seulement d’évoluer, mais aussi de se développer. LGM a une vraie expertise dans ce domaine et c’est cela qui nous permet précisément d’apporter conseil et assistance à ces entreprises plus petites.

Cédric Paternostre : En ce qui concerne les industriels de la défense de la sphère PME, nous les aidons à réaliser un travail sur le système global de leur fourniture pour obtenir le meilleur compromis entre la disponibilité, la sécurité et le coût global de possession. Nous avons deux manières de procéder.

  • Soit, nous les déchargeons de cette responsabilité et dans ce scenario LGM conçoit, développe et prend en charge leur système de soutien en partenariat étroit avec eux et en s’assurant que leur offre correspond en tout point aux exigences des donneurs d’ordre ;
  • Soit, nous les aidons à exercer progressivement cette responsabilité et à se dimensionner en conséquence.

En ce qui concerne les industriels de la défense de la sphère PME, nous les aidons à réaliser un travail sur le système global de leur fourniture pour obtenir le meilleur compromis entre la disponibilité, la sécurité et le coût global de possession.


SLD : Quels sont de votre point de vue les grandes phases d’évolutions caractérisant le soutien logistique militaire en France au cours de ces dernières années ?

Xavier Allegrini : La définition d’exigences en termes d’aptitude de soutien a toujours existé au travers des fiches de caractéristiques militaires et des spécifications de soutien établies par les sections études des Etats-majors et par la Délégation Générale de l’Armement, ne le négligeons pas. Ce qui a changé c’est le renforcement de la contractualisation d’une part, et l’incitation à la performance d’autre part. Cet aspect-là existait moins autrefois et les constantes de temps étaient plus lentes, c’est-à-dire que l’on constatait une aptitude au soutien, ce dernier étant mis en place moins rapidement. Il y a vingt ans un soutien constructeur pouvait durer dix ans et les forces armées estimaient normal d’être accompagnées par un industriel sur cette durée pour certains types de programmes (système Hawk par exemple). On assiste aujourd’hui à un raccourcissement du temps alloué au soutien constructeur, tandis que l’interaction avec le soutien au niveau des méthodes de construction s’est au contraire accélérée. L’introduction de l’ingénierie concourante («concurrent engineering») consistant à mener de façon simultanée le développement du système principal et la conception de tous les moyens de soutien associés (concept de maintenance, éléments du support logistique, fiabilité et testabilité intrinsèques de l’équipement) a permis de rétroagir sans refonte coûteuse. L’association de nouveaux outils et méthodes de conception à une organisation nouvelle des bureaux d’études a en effet facilité la faculté de conduire parallèlement analyses fonctionnelle et dysfonctionnelle, de chiffrer les probabilités de non-fonctionnement et de comparer à des objectifs chiffrés. S’il s’avère que la conception est insuffisante par rapport à un critère – et là il existe différents indicateurs possibles, tels que la fiabilité de mission, le coût global de possession, les temps d’intervention pour isoler une faute, ou une défaillance au niveau des probabilités de localisation de pannes, nous retournons voir les concepteurs pour discuter avec eux. Et, ce qui est nouveau, c’est qu’il est maintenant possible de le faire dans un cycle de temps plus court qu’autrefois : c’est surtout cela qui a changé. Les préoccupations ont toujours existé, mais les moyens de les résoudre sont aujourd’hui mieux adaptés.

Le métier du contrat s’est parallèlement affiné avec l’évolution de la politique d’acquisition des donneurs d’ordre et nécessite une conduite de programmes destinée à favoriser le respect des performances et des calendriers de livraison, l’introduction de clauses juridiques, un métier à part entière sur lequel LGM s’est positionné au fil des ans.

Ces évolutions au niveau du métier et des obligations contractuelles se sont faites pour beaucoup sous la pression du marché export, les pressions budgétaires incitant les clients à réviser leur politique de stock et de rechanges pour exiger petit à petit une garantie de disponibilité sous peine de remboursement si celle-ci n’était pas respectée. Un âge d’or de la modélisation, puis de la contractualisation, s’est ainsi développé. L’évolution du métier des contrats de maintenance vient également du fait que les militaires, qui avaient tendance à acheter autrefois cher du soutien NTI3, ont pris conscience qu’ils avaient moins besoin d’être autonomes, pour ne pas surinvestir. Les premiers contrats de maintenance ont proposé un engagement garanti de 20, 30 ans d’approvisionnement de pièces, puis de réparation progressivement forfaitisés. Ce métier est en renouveau constant décliné dans chaque industrie avec des caractéristiques propres.

 

SLD :  Réalisez-vous cette collecte de données et de retours d’expérience en collaboration avec le constructeur de la plateforme sur laquelle vous êtes amenés à intervenir ?

Cédric Paternostre : Dans l’exemple du secteur naval, marine marchande et marine nationale, nous participons grâce à nos outils de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO) à la mise en place de l’ingénierie de maintenance sur des flottes de navires : nous réalisons en amont les analyses du soutien logistique des navires en collaboration avec le constructeur et mettons ensuite en œuvre la politique de maintenance au travers du déploiement d’un système de gestion de flottes (comme celle des méthaniers de Gaz de France par exemple). A partir de ce moment là, la collaboration se fait avec l’équipage qui réalise la maintenance NTI1 et remonte les données de retour d’expérience.

Xavier Allegrini : En effet, tout dépend du moment où nous intervenons : dans le cas d’un navire, nous travaillerons soit avec le constructeur, s’il est neuf, soit avec ses données, soit avec les retours d’expérience de l’armateur, si déjà exploité. Nous allons utiliser des statistiques de défaillance pour réaliser des estimations, puis orienter au niveau organisationnel afin d’inciter l’utilisateur à documenter, surveiller et appliquer des plans de surveillance de matériel. Tout cela se fait conjointement avec l’utilisateur puisque le bateau est déjà construit : il s’agit là d’une bonne gestion par l’exploitant et d’un classement méthodique de données abondantes, mais qui doivent être reliées entre elles. Les bénéfices proviendront du vieux mariage entre la maintenance prédictive et la maintenance corrective, la première permettant d’intervenir à coût maîtrisé avant la défaillance et de réduire le budget et l’intensité de la main d’œuvre nécessaires à la seconde.

Les bénéfices proviendront du vieux mariage entre la maintenance prédictive et la maintenance corrective, la première permettant d’intervenir à coût maîtrisé avant la défaillance et de réduire le budget et l’intensité de la main d’œuvre nécessaires à la seconde.

Avec l’ère de l’information et de la mondialisation des échanges, le SLI doit aller encore plus loin en assurant la meilleure fluidité dans l’information entre les industriels et les exploitants, entre la phase de conception d’un produit, sa mise en exploitation et son retrait. D’où le besoin d’un super système d’information partagé par tous (le « web de la logistique »). Cela s’inscrit dans une réflexion menée par de nombreux industriels, maîtres d’ouvrage et sociétés de conseil au sein desquelles LGM joue un rôle majeur : on parle de l’approche PLCS (Product Life Cycle Support) avec ses DEX (Data Exchange).

 

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ANNEXE I


LE CAS DU BUFFALO
Prestation de conseil pour la mise en conformité d’un matériel de fabrication étrangère

Crédit photo : Mise en condition opérationnelle aux Etats-Unis des soldats de la 744ème  (416th Theater Engineer Command),  Sgt. 1st Class Andy Yoshimura, Fort Irwin, Californie, 15 août 2010

 

Dans le cadre d’une mission de conseil auprès de la DGA, les ingénieurs de LGM ont étudié point par point la conformité règlementaire des systèmes de ces « ouvreurs d’itinéraires » dont nos forces avaient besoin en Afghanistan de façon urgente : conformité avec le code du travail (par exemple niveau sonore dans l’habitacle), mais aussi avec le code de l’environnement (par exemple l’utilisation de matériaux interdits). A la suite de cette analyse, la DGA a procédé à la mise en conformité et cinq Buffalos ont pu être déployés début 2009 en terrain afghan.

« Pour nous, la mise en conformité du Buffalo s’est avérée une opportunité, en ce sens qu’en tant qu’architecte du soutien, nous sommes amenés à étudier aussi  tout l’environnement normatif de façon très précise (…) en vue du déploiement dans des environnements de la société civile. Si des écarts existent, la DGA les traite soit par demande d’évolution, soit par dérogation. » (Cédric Paternostre)

 

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ANNEXE I


Le cas d’ACCS LOC1
Assistance en SLI auprès d’ACSI (filiale de la joint venture Thales Raytheon Systems)

Crédit photo : Cours de familiarisation ACCS au NATO Program Center, Mons, Belgique, 22 mars 2010, www.npc.nato.int


L’OTAN est en train de mettre en place à horizon 2020 un système de commandement et de contrôle aériens totalement nouveau sur l’ensemble des pays membres. LGM assiste ACSI, maître d’œuvre du programme dans la conception et la réalisation du système de documentation électronique interactif de ce futur système C2, ainsi que dans la formation des opérateurs, partie prenante du soutien logistique. Bien faite et reposant sur des données exactes et représentatives des installations, une documentation technique électronique interactive engendre une maintenance facilitée et optimisée pendant toute la durée de vie du système.

« Notre rôle consiste à adapter sans rupture la maintenance et la formation, mais aussi la configuration de logiciels très nombreux : gérer l’ensemble de ces éléments de code embarqués sur ces systèmes est très compliqué, et c’est devenu l’une de nos spécialités. Sur LOC1 (Level Of Capability 1), ACSI nous a confié en un premier temps des analyses de soutien logistique, puis la réalisation numérique de la documentation technique pour l’exploitation, la maintenance, la surveillance du système et la formation des futurs utilisateurs. Nous intervenons pendant les phases de développement en vue d’obtenir les informations des fournisseurs. Celles-ci sont nettoyées par nos soins et adaptées dans un format améliorant son exploitation. L’idée c’est de segmenter cette masse – gigantesque – de données en information modulaire que l’on peut ensuite faire évoluer de manière optimisée.

Ensuite, nous insérons ces modules de données dans une grande base de données pour permettre l’évolution en fonction de la définition du système, de manière très facilement exploitable par les utilisateurs finaux. Notre plus-value dans ce type d’environnement est d’industrialiser la gestion de l’information technique en intégrant le fait que le déploiement du système se fera sur plusieurs années et que les bureaux d’études continueront d’y apporter des évolutions. Aujourd’hui il y a des sites en phase de validation, puis il va y avoir de site de réplication dans chacun des pays contributeurs décidé à acquérir ou à moderniser ses sites actuels.

Le constat des grands maîtres d’ouvrage est qu’une bonne documentation technique peut être un gisement d’optimisation des coûts d’exploitation d’un système. Bien faite et reposant sur des données exactes et représentatives des installations, elle engendre une maintenance facilitée et optimisée pendant toute la durée de vie du système. La formation des utilisateurs en est également facilitée.

Enfin, pour obtenir une documentation technique souple et évolutive il convient de l’organiser en un ensemble de données élémentaires et uniques qui seront appelées plusieurs fois et dans des formats différents (par exemple à la fois dans le cadre d’une opération de maintenance et d’une session de formation). En cas d’évolution de l’information, cette évolution sera répercutée sur toutes les fonctions qui l’appellent. Ceci est rendu possible grâce au processus de traitement de l’information réalisé en amont. Il permettra des gains de temps importants ». (Cédric Paternostre)

 

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