Crédits photos © Viking Air

Par le Commandant David Velasquez Portella, stagiaire de la 21ème Promotion de l’École de Guerre

Le Pérou est composé de trois régions géographiques. Ces dernières possèdent des diversités météorologique, ethnique, culturelle, économique et sociale bien différenciées. La force aérienne, outre sa mission principale, participe à la réponse aux situations d’urgence provoquées par des catastrophes naturelles, ou encore à la cohésion sociale et au développement socio-économique du pays. Face au renouvellement de sa flotte de transport, elle doit relever de nouveaux défis.

L’avion de transport militaire 

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’emploi des forces armées a significativement évolué. En effet, la classique confrontation interétatique directe pour la conquête de territoires, a tout d’abord laissé la place à un affrontement indirect bipolaire pendant la Guerre Froide avant de prendre la forme d’un interventionnisme extérieur sous la bannière de coalitions à partir de la première guerre du Golfe de 1990 à 1991. L’ultime mutation apparaît être la formation de coalitions ad hoc pour la résolution des conflits politiques, économiques ou sociaux à l’intérieur d’États en crise, très souvent avec l’aval des Nations unies.  

Dans ce contexte d’emploi, un élément essentiel pour la continuité des opérations militaires est le support logistique. De telle sorte que, le transport aérien militaire est devenu aujourd’hui incontournable pour atteindre les objectifs stratégiques, opérationnels et tactiques d’une campagne, qui plus est quand les forces doivent parcourir de grandes distances pour être projetées sur un territoire d’opérations.  

A ce propos, l’aviation de transport militaire est principalement utilisée pour l’acheminement de troupes et de matériels. Son chargement peut être installé sur des palettes et arrimé facilement pour qu’il soit rapidement acheminé vers la zone d’opérations. Il peut également être livré par air, grâce à l’utilisation de parachutes pour ne pas avoir à effectuer d’atterrissage. Dans cette catégorie d’avions tactiques se trouvent par exemple le Lockheed C-130 Hercules et l’Antonov AN-32 utilisés tous les deux par la force aérienne péruvienne.  

Le Lockheed C-130 Hercules est un avion de transport tactique lourd, sa robustesse fait qu’il est utilisé par plus de soixante forces aériennes dans le monde. La force aérienne péruvienne en a quatre. Ils sont utilisés pour réaliser des opérations militaires de transport de soldats et d’équipements. Comparé aux Antonov AN-32, également utilisés par la marine et la police péruvienne, le Lockheed C-130 Hercules a des performances supérieures en charge utile. Ces deux types d’avions constituent, aujourd’hui encore, la colonne vertébrale du transport aérien militaire péruvien.

Intervention hors du cadre militaire 

Depuis sa création en 1929, l’Armée de l’air utilise ses moyens de transport sur l’ensemble dupays, mais surtout dans la forêt amazonienne ou l’unique voie de communication est aérienne. À cause de l’absence d’un maillage complet d’infrastructures routières modernes, la liaison terrestre entre de nombreuses villes dans la forêt est presque impossible.

En effet, plus de 60 % du territoire péruvien est recouvert par la forêt amazonienne. Là où une semaine à travers les affluents de l’Amazone est nécessaire pour relier deux villages distants d’à peine 120 km, une liaison aérienne, effectuée par exemple dans un avion De Havilland DHC-6 Twin Otter de l’Armée de l’air, ne nécessite qu’une heure de vol. Ces types d’avions peuvent également être équipés de flotteurs pour atteindre des endroits où aucun aérodrome n’existe.  

Quant aux régions côtières et montagneuses, elles sont régulièrement confrontées aux catastrophes naturelles comme sècheresses, tremblements de terre, inondations et tsunamis. De plus, la cordillère des Andes occupe 30 % du territoire péruvien et certains aérodromes se trouvent parfois à plus de 3 000 mètres d’altitude. C’est pour cela que les groupes aériens de transport de l’Armée de l’air péruvien effectuent des vols d’assistance à la population, hors missions militaires.  

Les catastrophes naturelles imposent de recourir au moyen aérien. Ainsi en août 2007, un séisme de magnitude 8,0 degrés sur l’échelle de Richter a causé la destruction de la plus grande partie de la ville de Pisco, située à environ 300 km au sud de la capitale Lima. Dans ce contexte, l’Armée de l’air péruvienne a mis en œuvre tous ses moyens de transport.  

Par ailleurs, des événements de politique intérieure ont nécessité de suppléer sous faible préavis aux moyens de transport civils. Comme par exemple le pont aérien humanitaire effectué en mars 2013, avec deux avions Boeing 737, un Lockheed L-100 et un Antonov AN-32, afin de récupérer près de cinq cents Péruviens qui participaient à un congrès d’une ONG au sud de la ville de Cali en Colombie, et qui étaient isolés depuis deux semaines suite à une grève des producteurs de café colombiens.  

De façon similaire, en mai 2013, un soutien a été apporté par les avions Twin Otter DHC-6 qui ont transporté des médecins et des enseignants qui travaillent dans les villes de l’Amazonie péruvienne rendant à nouveau accessibles plusieurs villages au large du fleuve Putumayo, qui avaient été complètement isolés lors d’une grève armée organisée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sur la côte colombienne du même fleuve.

Une mission en cours de redéfinition 

Forte de ses expériences récentes, l’Armée de l’air péruvienne vient de modifier sa mission initiale pour mieux répondre aux besoins de la population, « … assumer le contrôle de l’ordre interne, participer au développement économique et social du pays et de la défense civile conformément à la loi … ». Cette nouvelle politique d’emploi des forces oblige à un effort plus grand pour répondre aux exigences et aux besoins de sa population. Elle implique aussi, de disposer du personnel formé et des moyens nécessaires. Dans son document annuel d’information et de vulgarisation « Science, technologie et cohésion sociale », le Directeur de l’information explicite les différentes missions que l’aviation militaire de transport entreprend désormais, afin d’assurer son rôle de contributeur étatique. 

L’Armée de l’air péruvienne a toujours été très attachée à servir sa population. Cependant, la reformulation de sa mission exige un changement et une modernisation de ses moyens pour atteindre ses nouveaux objectifs. Lors de son discours du 23 juillet pour l’anniversaire de  l’Institution, le général Jaime Figueroa Olivos, commandant général de l’Armée de l’air  péruvienne, a déclaré : « … conformément aux dispositions fixées par l’État, nous avons augmenté nos vols au profit de la population civile. Ces derniers répondent aux critères de cohésion sociale qui sont établis sur la base de la demande croissante des personnes qui habitent loin, dans les zones limitrophes, et qui voient en l’Armée de l’air un moyen essentiel pour son développement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, en effet ce sont près de 1700 heures d’action civique menées jusqu’ici cette année… d’autre part, plus de 300 heures ont été effectuées dans le cadre de la mise en place de ponts aériens humanitaires pour atténuer les conséquences des catastrophes naturelles ». Cette déclaration met en exergue la contribution de la force aérienne aux différentes sollicitations de l’État.  

De plus, le ministre péruvien de la Défense, Pablo Cateriano, vient de signer un accord de collaboration en matière de défense et de sécurité avec son homologue, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, suite à une visite officielle de ce dernier au Pérou. Tous les deux ont souligné les liens forts entre les deux pays, dans le cadre de discussions autour de l’acquisition d’un système satellite d’observation du groupe EADS Astrium.  

Ce possible achat de gouvernement à gouvernement, qui devrait se matérialiser en 2014, pourrait doter l’Armée de l’air péruvienne d’un outil nouveau sur le plan interministériel. En effet, l’Agence spatiale péruvienne est un organisme qui dépend administrativement de l’Armée de l’air. Ainsi le responsable global de ce projet, qui vise à lutter contre les exploitations forestières et minières illégales, ne serait autre que le commandant en chef de l’Armée de l’air.

Un transport aérien robuste est indispensable 

La livraison des premiers De Havilland DHC-6-400 Twin Otter au Groupe aérien N° 42, sur un total de quatorze appareils, qui seront livrés progressivement jusqu’en 2014, permettra d’établir de nouvelles liaisons entre les villages du Pérou situés près de la frontière de la Colombie et le Brésil dans la forêt amazonienne. Il est également prévu d’établir des lignes aériennes pour relier les villages de la montagne et de la côte. Ces nouveaux avions doteront la force aérienne d’une capacité de transport et de projection interrégionale.  

L’avion de transport stratégique Airbus A400M a été présenté à Lima lors du 27e  Salon international de l’air et de l’espace réalisé au Chili en avril 2012. En dépit d’une proposition commerciale de la compagnie Airbus pour l’achat de cet avion polyvalent, le gouvernement péruvien compte s’engager à acquérir trois aéronefs C-130-J Super Hercules. Ces avions dont l’efficacité opérationnelle n’est plus à prouver disposent d’une technologie numérique, différente des vieux L-100 péruviens et offriront de nouvelles possibilités à l’aviation militaire de transport péruvienne pour se développer.  

En outre, en 2011, une étude concernant le renouvellement d’une partie de la flotte de transport a été confiée à une équipe pluridisciplinaire au sein de l’État major de l’Armée de l’air péruvienne. Les avantages et les inconvénients de l’achat de nouveaux avions de transport en replacement des vieux Antonov AN-32 ont été évalués et après trois ans de travail, le ministère péruvien de la Défense a décidé d’acquérir deux avions de transport italiens C-27J fabriqués par la firme Alenia Airmacchi. Les avions seront livrés au Pérou en avril 2015 et leur coût est estimé à environ 121,9 million de dollars.  

La force aérienne devra prendre en compte la formation opérationnelle du personnel et les impératifs économiques en termes de soutien (construction d’infrastructures modernes et établissement d’une forte chaîne de maintien en condition opérationnelle de ces nouveaux appareils). Il sera également nécessaire d’élaborer une nouvelle doctrine de transport et de s’engager sur la voie d’une différenciation des capacités spécifiques au sein de l’Armée de l’air péruvienne.  

Sur le plan de la coopération multinationale au niveau latino-américain et de l’indispensable interopérabilité associée, le prochain exercice « COALICION » qui a pour objectif l’utilisation combinée de l’aviation militaire de transport des forces aériennes péruvienne et chilienne dans le cadre d’un scénario où se produit un tremblement de terre au sud de Lima sera une étape supplémentaire pour démontrer que les forces armées péruviennes disposent d’une aviation militaire de transport moderne et interopérable dans l’ensemble de la région.  

Enfin, outre sa mission primaire de défense et protection du territoire national, l’Armée de l’air péruvienne doit relever un nouveau défi pour apporter son soutien aux problématiques d’ordre environnemental, social et économique du pays grâce à la maîtrise du fait aérien et spatial dont elle a la responsabilité. 

 

Source : Ecole de Guerre

Site de la Force aérienne du Pérou

 

*** Mis en ligne par Stéphane Gaudin