Des personnels d’horizons différents

L’une des caractéristiques du Train est la jeunesse de son personnel d’encadrement, certaines missions de commandement étant souvent confiées au grade de Lieutenant, et non de Capitaine comme dans l’Infanterie, ainsi que le souligne le Lieutenant G., chef de peloton de circulation au 121e RT. Sur ce convoi, les logisticiens, arrivés pour nombre d’entre eux à Bamako en partant de convoi de Dakar ou d’Abidjan (donc déjà quatre jours de route), avaient déjà une expérience OPEX type Liban, s’apprêtaient à partir en Afghanistan, et/ou partaient en OPEX pour la première fois. Chacun connaissant les procédures, «la coordination entre les différents RT s’est faite au fur et à mesure», raconte le Sergent D, chef de patrouille.

La première partie du convoi jusqu’à Sévaré était sous le commandement de la Capitaine B.(commandant d’unité Sous-Groupement 109) et la seconde jusqu’à Gao sous celui du Lieutenant P. du 515 e RT. Le niveau de protection du convoi augmente au fur et à mesure où on monte vers le nord, avec les PVP prenant la relève des P4 au niveau commandement, et port du GPB et casque obligatoire à partir de Sévaré. Au moment où ce convoi a eu lieu, la zone orange devenait rouge à Gossi (notamment en raison du risque IED) où rien ne s’était passé depuis dix jours, mais un attentat sur Kidal venait de se produire la veille.

Mission :

Troisième convoi Bamako-Gao depuis février, le convoi du 12 avril 2013 avait une double-mission :

  • acheminer vivres, eau, munitions, matériels roulants réparés par le SGMAT situé à Bamako sur Gao d’une part, Tombouctou d’autre part avec rupture de charge à Sévaré;
  • commencer à rapatrier certains matériels, et notamment les chars AMX 10 RC avec le désengagement de Tessalit qui débutait à ce moment-là. D’où un nombre important de PEB (porte-engins blindés) au sein du convoi, à savoir 7 sur les 10 présents sur le théâtre. «Certains chars rentrent seuls, mais le PEB permet d’économiser le potentiel tant en hommes qu’en véhicules», explique le sergent C., chef d’escouade de porte-char au sein du 503e (anciennement 517e RT) et rattachée au 121e.

Composition :

Ainsi que le rappelle le Chef de corps du BATLOG, le Colonel Vélut, «tout convoi logistique dans le désert doit inclure un élément logistique, un élément Commandement, un élément communication (de type P4 Melchior), un VAB SAN, un camion lourd de dépannage (CLD) ELI, et surtout…. jamais de remorque !» Le convoi du 12 avril était important avec 48 véhicules, mais pas le plus important que les Régiments du Train aient eu à mener sur les routes maliennes, puisque les rames ont atteint 75, voire 90 véhicules sur certains itinéraires. La raison est liée au volume des troupes (plus de 5000 hommes) et à l’importance des moyens mis en œuvre dès le début de Serval.

Rassemblés le 11 avril la veille du départ pour être en mesure de partir à la fraîche à 5 heures du matin se tenaient donc 116 personnels chargés de mener à bon port, en plus des 7 PEB: 3 patrouilles d’escorte, 16 VTLR (véhicules de transport logistique avec remorque), 3 TRM 10000 blindés, 2 véhicules d’allègement VBCR, 11 camion-citerne du SEA (originaires de la BPIA de Chalon), 4 véhicules de soutien, 1 VAB SAN (soutien santé du convoi) et 1 VAB ELI (élément léger d’intervention). Un tronçonnement des convois par modules s’est avéré nécessaire.

L’itinéraire : aller Bamako-Ségou-Sévaré-Gao

Différentes étapes intermédiaires sont prévues pour un convoi allant de Bamako à Gao, qui, aller-retour, prend sept jours (2 400 kilomètres en tout) si tout va bien, parfois dix : sur ce convoi, une première étape a eu lieu à Ségou, situé à environ 300 kilomètres au Nord de la capitale malienne, dans la mesure où à 45 kilomètres au nord de Bamako les routes sont sur une distance 80 kilomètres des pistes de latérite où certains véhicules ne peuvent parfois excéder les 15 km/h .

L’allié de tout convoi est la vitesse, « ou plutôt le mouvement, puisque les routes maliennes imposent souvent de rouler endeçà des 30 km/h »

Une seconde étape se fait généralement à Mopti, encore 300 km plus loin, très exactement à Sévaré où se situe l’aéroport contrôlé par les forces françaises. Les nids de poule sur cette partie du trajet sont la cause d’une vitesse ralentie. L’implantation de ce point intermédiaire de soutien de convoi a été ainsi décidée afin de créer un dispatch et rupture de charge vers Gao et combler un “vide logistique” trop important entre Bamako et Gao, selon l’expression du lieutenant P. du 515e, chef de convoi sur la seconde partie de l’itinéraire entre Sévaré et Gao.

Incidents et procédures

Les incidents classiques sont bien sûr les pannes – en moyenne de 4 % sur tout convoi en condition optimale d’après le lieutenant P., mais beaucoup plus fréquentes au Mali – lesquelles engendrent des dépannages permanents. L’inclusion, comme ce fut le cas notamment sur certains itinéraires de véhicules routiers maliens (ou sénégalais comme dans le convoi venant de Dakar) a entraîné des retards considérables. Parmi les pannes pendant ce convoi, on citera une fuite de radiateur sur un TRM, un radiateur de P4, une jeep ne redémarrant pas, etc. Le souci est que chaque panne peut être exponentielle, car une fois à l’arrêt, certains véhicules ne redémarrent en effet plus.

– Mais c’est à l’occasion d’une panne à une quarantaine de kilomètres au nord de Douentza qu’une mine anti-personnel fut découverte sur le trajet Sévaré- Gao grâce à la procédure de sécurité et… à la Baraka. Il s’agissait d’une mine à action de zone bondissante, qui explose à 2 mètres de haut et décime sur 360 degrés. L’origine supposée était soit des champs de mines de la Seconde Guerre mondiale, ou datant de la présence soviétique, ou plus récemment des terroristes et une analyse allait être effectuée après remontée des informations à Bamako. Un balisage de la mine fut fait et le chef de peloton rendit compte aux autorités maliennes à Douentza.

Les équipages font preuve d’imagination en permanence pour réparer au fur et à mesure et vérifient à chaque halte filtres, boulons, etc. Chaque VAB compte trois mécanos et, en cas de panne trop sérieuse ou trop longue pour être réparée in situ, comme celle de la P4 du capitaine B. dont l’alternateur a lâché et les faisceaux électriques ont fondu sur le dernier tronçon d’itinéraire, c’est le PEB qui prend la relève. Le problème de pièces détachées s’est fait sentir comme dans toute opération d’entrée de théâtre où rien n’est en place et d’autant plus que le théâtre en question manque de tout et est particulièrement difficile. L’allié de tout convoi est la vitesse, « ou plutôt le mouvement, puisque les routes maliennes imposent souvent de rouler en deçà des 30 km/h », comme le souligne le chef de corps du BATLOG, le colonel Vélut ; il faut donc s’attarder le moins possible au bord de la route. En cas d’IED, mine ou prise à partie, chaque équipage connaît la procédure à tenir, laquelle fait partie des rappels effectués systématiquement par le chef de convoi et le chef de peloton avant chaque départ pour une journée de route, ainsi que l’expliquent les lieutenants G. et P. dans les pages qui suivent.

Crédits photos © Sylvain Pétremand, armée de terre, Mourmelon, 2 octobre 2011