(Source: Forum du futur) – Dix ans après le séminaire de 2006 (Assemblée Nationale) sur l’énergie, un nouveau séminaire est organisé par le Forum du Futur au Palais du Luxembourg. Une première table ronde (« Les objectifs d’un politique de l’énergie ») s’est tenue le 15 décembre 2016, puis une seconde, le 12 janvier 2017, (« Technologies et filières »).
SEMINAIRE I
Dix ans après
Depuis dix ans, trois facteurs (« game changers ») ont changé la donne : l’émergence des hydrocarbures non conventionnels ; le printemps arabe devenu « hiver », qui a déstabilisé les pays producteurs fortement exportateurs; Fukushima qui a fragilisé le nucléaire. Les facteurs internationaux, qui jouent un rôle de plus en plus essentiel, sont le plus souvent imprévisibles, alors que le domaine de l’énergie, ne serait-ce qu’en raison des investissements considérables à y réaliser, se caractérise par une très grande inertie.
Comme il y a dix ans, nous parlons surtout de l’électricité. Mais elle ne représente que 23% de l’énergie consommée en France, une raison à cela étant, incontestablement, la sensibilité politique du nucléaire. Dans ce domaine de l’électricité, l’attitude de l’Etat n’a pas changé : l’Etat stratège a laissé la place à un Etat « politique » se préoccupant essentiellement du court terme.
Depuis dix ans, nous assistons à une transformation rapide du contexte énergétique, en raison des nouvelles contraintes liées au réchauffement climatique ou des changements intervenant dans la structure de l’offre et de la demande. Pour s’adapter à cette transformation, il faudrait impérativement:
– prendre conscience que les énergies fossiles continueront encore longtemps à jouer un rôle majeur s’il n’y a pas une volonté très forte de vouloir renverser la tendance,
– introduire véritablement une valeur économique liée au climat et, pour cela, faire des choix clairs au niveau européen sur les quotas ou la taxe dite carbone,
– mettre un terme aux absurdités du prix du marché dues à la politique d’insertion des renouvelables sur ce marché (obligation d’achat à un tarif imposé). Il s’agit de rendre l’organisation du marché compatible avec les mesures environnementales (prix du carbone, subventions en faveur des énergies renouvelables, etc.). Cela demande un grand courage politique !
(…)
Géopolitique et défense
Parmi les préoccupations de géopolitique et de sécurité, l’énergie revient sur le devant de la scène. D’une part, en raison de la transformation de la demande car les pays de l’OCDE ne pèsent plus vraiment par rapport à la Chine aujourd’hui, l’Inde demain et l’Afrique après demain, d’autre part, parce que ce secteur vital est susceptible d’être de plus en plus gravement mis en péril par des actions hostiles.
L’énergie et son prix ont un impact fondamental sur les pays producteurs à régime autoritaire. Cela est évident s’agissant des exportations d’armement, mais aussi de l’importance de couloirs stratégiques de communication et d’approvisionnement, d’infrastructures qui se peuvent se développer ou disparaitre (pipelines ; gazoducs ; etc.) au gré des convergences ou des divergences de partenaires potentiels, de la vulnérabilité des détroits, etc.
Daesh est un exemple frappant : son financement tient en bonne partie à sa capacité d’extraire et de raffiner de façon artisanale le pétrole disponible dans les zones sous son contrôle. En contrepartie, Daesh a par là même développé une vulnérabilité que ses adversaires ont bien comprise, leur priorité étant donnée depuis deux ans aux frappes aériennes susceptibles de ralentir ou d’annihiler ces capacités de production, donc de financement.
Le secteur de l’énergie est donc très vulnérable Il devient une cible de plus en plus privilégiée par tout agresseur : menaces sur les infrastructures comme on l’a vu au Yemen ou en Algérie ; intérêt de mouvements terroristes à l’égard des centrales nucléaires ; agressions cybernétiques (ex : Ukraine) ; découverte des effets environnementaux d’accidents voulus ou non sur les transports (ex : l’accident d’un train transportant du pétrole de schistes au Canada) ; etc. (…)
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SEMINAIRE II
Une profonde évolution du domaine de l’énergie
Nous sommes aujourd’hui confrontés à trois changements profonds simultanés : la transition énergétique, la révolution numérique et la pression sociétale en faveur des « énergies vertes ». Cela explique, au moins en partie, un certain nombre de situations anormales : nous n’avons rien fait depuis dix ans dans le domaine de l’électricité qui n’ait été subventionné ; depuis quelques années, on ne parle plus du prix final de l’énergie ; le prix de l’électricité en France va doubler à court terme sans que l’on s’en soucie réellement ; la priorité d’accès au réseau des ENR (énergies nouvelles renouvelables) désorganise les marchés de l’électricité ; un certain nombre d’investissements indispensables n’ont pas été réalisés et il faudrait des sommes considérables pour assurer le bon fonctionnement des réseaux ; etc.
En particulier, l’arrivée à grande échelle du numérique et des capteurs intelligents participe à la révolution dans le domaine de l’énergie. C’est le cas, par exemple, pour la consommation à usage domestique : tous les bâtiments construits jusqu’à un passé récent sont des radiateurs ouverts sur le ciel et les rénover afin de réduire leur consommation d’énergie est souvent impossible, en tout cas extrêmement coûteux. Or, la mise en œuvre de solutions numériques pour le contrôle et la gestion de cette consommation permettrait de réduire la « facture » de moitié !
Une telle (r)évolution entraine un changement profond des entreprises du secteur. Une société comme Schneider Electric, leader mondial dans son domaine, est passée successivement de l’électromécanique et de la gestion de l’électricité, puis de la gestion de l’électricité à la gestion de l’énergie (« control-command », logiciels…) et enfin, en devenant plus intelligent dans la connaissance et la conception d’infrastructures, à la gestion de l’espace. Cette évolution était la condition nécessaire à la survie de l’entreprise car, dans le même temps, la durée d’un cycle de développement dans son secteur d’activités est passée de dix ans à un an !
Cet exemple est à méditer. En effet, l’application des mêmes techniques, des mêmes méthodes, dans l’Hexagone ne peut-elle conduire à des infrastructures ou des usines plus compétitives, y compris vis-à-vis de leurs rivales chinoises, et donc aider au futur développement d’ investissements sur notre territoire ?
La question du stockage
En France, les énergies renouvelables représentent 33 % de la puissance électrique installée et 17 % de l’électricité produite, l’hydraulique restant, pour le moment, la principale source de ces énergies. La puissance installée des énergies éoliennes et solaires est relativement concentrée dans quelques zones géographiques, souvent éloignées de celles de consommation, ce qui rend plus difficile leur injection dans le réseau. Le stockage de l’électricité est souvent considéré comme le « Saint Graal » ; néanmoins, il se heurte à plusieurs difficultés qui freinent le développement des technologies et/ou leur déploiement. En effet, certains considèrent, soit qu’il n’est pas nécessaire d’investir dans ce domaine, voire qu’il ne faut pas, par absence d’espace économique, soit que la question du stockage est en passe d’être résolue étant donné la forte décroissance du prix des batteries. Pourtant, même si les solutions de stockage électrique de puissance sont bien maitrisées, celles en énergie le sont moins, surtout lorsqu’il s’agit de stockage de masse.
Ce qui existe actuellement en matière de stockage de l’électricité est assuré essentiellement par le stockage gravitaire (STEPs). Toutefois, il est difficile de trouver de nouveaux sites de stockage et les sites en montagne sont le plus souvent éloignés des sites de production et de consommation. De ce fait, le recours au stockage est peu économique. Si des progrès ont été réalisés dans le domaine des batteries, cette option reste cependant très coûteuse et peu compatible avec un stockage de longue durée (éventuellement pour l’énergie solaire sur la journée, mais non pour l’énergie éolienne sur plusieurs jours). Une des raisons à cela est que le stockage de masse de l’électricité est en compétition avec d’autres possibilités comme l’accroissement des interconnections et leur efficacité ou le développement de la gestion numérique (« smart grid »). La conséquence de cette compétition est l’absence de visibilité pour les investisseurs, hormis, évidemment, dans certains cas très particuliers, notamment aux États-Unis où le contexte est très différent étant donné le mauvais état du réseau ou la présence d’une clientèle très fortunée. Ce contexte a conduit, par exemple, au développement du « business model » d’Elon Musk (batteries résidentielles), modèle qui reste à démontrer et qui n’est pas nécessairement transposable en France ! (…)
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