Interview exclusive (*) – Olivier SA [1] est un cascadeur français, co-fondateur de Cinemaction Stunts, qui a participé au tournage du dernier film de Christopher Nolan Dunkerque (titre original : Dunkirk). Il a accepté de faire part à Opérationnels de son vécu lors de ce tournage aux dimensions épiques.

 

Vous avez participé au tournage du dernier film de Christopher Nolan Dunkerque. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?

Une impression de participer à quelque chose d’hors normes. Le plus remarquable pour moi sur ce type de tournage reste la dimension de ce genre de blockbusters. Tout comme MI6, Spectre ou la série des Jason Bourne,[2] on est vite impressionné par la logistique, le nombre de personnes employées et les moyens mis en œuvre pour le film. Imaginez un plateau de tournage qui s’étale sur plusieurs kilomètres avec plus de 1500 figurants… C’est gigantesque! On est bien loin du côté  “artisanal” de notre cinéma français. Evidemment les rapports ne sont pas les mêmes bien qu’ils restent courtois et l’organisation est quasi militaire et très hiérarchisée.

En tant qu’acteur/cascadeur professionnel, quel(s) défi(s) avez-vous à relever lors du tournage ?

Dunkerque est pour moi le tournage le plus éprouvant physiquement que j’ai eu à vivre. Ce ne sont pas tant les cascades les conditions du tournage qui ont été très dures. Nous avons passé 8 semaines sur le film (5 semaines à Dunkerque et 3 à Urk aux Pays Bas) et nous étions de manière quasi journalière exposés dans l’eau froide de la Mer du nord… C’est très éprouvant pour l’organisme.

Avez-vous du mettre en œuvre des techniques particulières pour répondre aux exigences du film ?

En termes de cascades pures, on a eu la chance d’être au centre de ces incroyables scènes d’explosion sur la plage et sur le pont ainsi que sur les bateaux bombardés. C’était incroyable à vivre ! Vraiment saisissant !

Comparativement à d’autres tournages, en quoi Dunkerque reste-t-il  un moment particulier dans votre carrière ?

Chaque tournage est unique, et représente une expérience humaine exceptionnelle ; mais celui-ci reste particulier, car il s’inscrit dans une certaine durée (8 semaines), ce qui est assez rare en France. Ce tournage a été aussi l’occasion de travailler avec Christopher Nolan qui est un véritable artiste, un maître dans son domaine.

Comment se passe un tournage sous la direction de Nolan ?

Tourner sous sa direction est assez simple, car il sait exactement ce qu’il veut : du réel, de la crédibilité dans nos actions, nos réactions. Lors d’une prise il fallait oublier le cascadeur qui tombe au profit d’un soldat qui fuit, tétanisé par la peur et qui risque de mourir à chaque instant. C’est un réalisateur très investi, d’un calme Olympien, qui dénote par ailleurs avec le gigantisme de son plateau de tournage. Mais il est dur aussi, il nous a tous mis (cascadeurs et figurants) dans des conditions extrêmes pour essayer de filmer au plus proche de la « vérité » d’où, par exemple, sa volonté de saisir l’expression de nos visages fatigués, crispés par le froid. Mais le voir travailler avec son équipe et notamment son chef opérateur est très intéressant, c’est une véritable leçon de cinéma.

Dunkerque s’inspire de l’opération Dynamo. Vous êtes-vous senti lié au passé, rattaché à l’Histoire en participant à ce film ?

Absolument. Le fait de savoir qu’on recréait sur le tournage des événements ayant réellement eu lieu et sur les mêmes sites apportait une dimension beaucoup plus dramatique et plus solennelle aux cascades qu’on exécutait. On s’approprie alors un peu de cette histoire et on prend conscience de l’horreur de cette guerre et de ce moment terrible de notre Histoire que fut Dynamo… On prend aussi conscience différemment du phénomène terrible qu’est la guerre et qui fait malheureusement encore écho aujourd’hui dans l’actualité…

Ce film vous a t il conduit à vous intéresser différemment à l’Histoire de la seconde guerre mondiale ?

Je me suis toujours intéressé à cette guerre et ses conséquences, mais il est vrai que je ne connaissais pas l’Opération Dynamo. Il n’y a évidemment pas de compétition dans l’horreur, mais la Shoah est l’épisode qui m’a le plus bouleversé et marqué personnellement. Les images des camps, l’extermination de peuples (hommes, femmes, enfants) dans des conditions inhumaines sont autant d’images qui marquent l’esprit de manière indélébile. Mais recréer l’Opération Dynamo m’a permis de prendre un peu plus conscience (même si c’est dans une bien moindre mesure) de l’intensité d’un champ de bataille. S’imaginer la peur à la vision d’un avion qu’on découvre au dernier moment et qui fonce sur vous sans savoir s’il s’agit d’un allié ou d’un ennemi, subir l’attente dans l’eau pendant des heures, fuir lors des bombardements, voir ses camarades tomber, c’est marquant et cela fait prendre conscience dans une certaine mesure de tout ce qu’engendre la guerre : la mort, la destruction, la fatigue, le stress et de tout ce qu’elle révèle de l’homme…

Quels sont vos projets en cours et futurs ?

Cette année j’ai coordonné les cascades du film Revenge, un survival de Coralie Fargeat tourné au Maroc (sortie prévue en 2018), des épisodes de la saison 2 de Spring Tide, une série policière suédoise qu’on a tourné à Marseille. J’ai également participé en tant que cascadeur au tournage de Kursk un long métrage de Thomas Vinterberg qui narre la tragédie du sous-marin russe K-141 Koursk. Je règle cet été les actions du film Les Beaux Esprits, une comédie de Vianney Lebasque, un autre challenge puisque je travaille, entre autre, avec des comédiens déficients mentaux. J’ai aussi la chance d’avoir été contacté pour tourner en septembre prochain sous la direction de Clint Eastwood dans le film The 15.17 to Paris qui relatera l’attentat déjoué du Thalys en août 2015. Enfin, je travaille également sur Deviants, un projet de série digitale d’action et fantastique que j’ai écrit et que je développe actuellement pour les plateformes mobiles.

Merci Olivier et tous nos vœux de réussite dans la conduite de ces beaux projets.

Pour en savoir plus sur Cinemaction Stunts : http://www.cinemaction-stunts.com/

Photos © Olivier SA

(*) Propos recueillis et transcrits par Romain Petit

A venir prochainement dans Opérationnels un article consacré aux films inspirés par l’Opération Dynamo.

[1] Olivier se passionne très jeune pour les arts martiaux et le cinéma populaire hongkongais (Jacky Chan, John Woo, Tsui Hark,…), américain (L’Arme Fatale, Piège de Crystal,…) et français (Jean Marais, Belmondo, Luc Besson,…). Malgré sa profession de cadre en banque, sa passion ne le quitte pas. Il monte à Paris en 2004 et commence à s’entrainer sur ses jours de repos avec des cascadeurs professionnels. Il décroche en 2005 son premier contrat de cascadeur sur Les Brigades du Tigre de Jérôme Cornueau. Il se consacre ensuite totalement à sa passion et enchaîne les tournages auprès des principaux coordinateurs de cascades français et étrangers. En 2014, il se voit offrir l’opportunité de coordonner les cascades et chorégraphier les combats de la saison 2 de la série Atlantis pour la BBC. Il fonde la même année avec son associé Mathieu Lardot la structure Cinemaction Stunts, une équipe de cascadeurs professionnels qui mettent leur savoir-faire au service des productions cinématographiques.

[2] Olivier a tourné sur l’ensemble de ces films.