(Source : CERPA – Par César Frezat ) – La Russie à l’avant-garde des missiles hypersoniques
Le 26 décembre 2018, la Russie testait une arme intercontinentale d’un nouveau genre : le planeur hypersonique Avangard. Cette innovation technique s’inscrit dans un contexte de tensions accrues avec les États-Unis sur les technologies de balistique et antimissiles. Le déploiement d’Avangard au courant de l’année 2019 marque une avancée russe qui semble prendre de vitesse les autres puissances.

L’hypersonique, enjeu principal de la modernisation militaire russe
Développés uniquement par les États-Unis, la Chine et plus récemment par la France et le Japon, les planeurs hypersoniques (HGV1) sont en passe d’être déployés pour la première fois par la Russie avec Avangard. Les États-Unis, pourtant précurseurs en la matière, avaient conçu et testé des HGV dès 2011, mais ne sont pas allés au-delà du stade expérimental faute d’intérêt stratégique. La Russie a rattrapé son retard concernant l’hypervélocité des missiles balistiques et de croisière. Ainsi, le missile antinavire 3M22 Zircon, qui aurait atteint une vitesse de Mach 8, devrait être déployé sur les corvettes et frégates russes avant 2027. Le missile air-sol Kh-47M2 Kinjal est quant à lui déjà opérationnel depuis 2017. En plus de sa vitesse hypersonique de Mach 10, il a la particularité d’être le seul missile aérobalistique (ALBM2) en service, les prototypes américains étant restés en phase de test.
Avangard est l’une des six armes de technologie avancée annoncées par Vladimir Poutine lors d’un discours devant l’Assemblée Fédérale le 1er mars 2018. On trouve parmi celles-ci un missile de croisière à propulsion nucléaire ; un ICBM plus lourd et mirvé : le RS-28 Sarmat ; une torpille nucléaire à longue portée : le Status-6 Poseidon et le missile hypersonique air-sol Kinjal. Avangard s’inscrit donc dans une stratégie axeé principalement sur la modernisation des systèmes de missiles.

Avangard aux dépends de la dissuasion américaine
Vladimir Poutine présente cette nouvelle arme comme « absolument invulnérable à tout système de défense aérienne ou antimissile ». Avangard sera lancé à terme par le RS-28 Sarmat, dont la coiffe peut contenir jusqu’à 24 de ces HGV. Tiré initialement sur une trajectoire balistique, il entame une course horizontale guidée après une séparation précoce du premier étage à altitude atmosphérique (80-90 km). Il pourra délivrer des charges nucléaires d’une puissance de 2 mégatonnes ou conventionnelles.
Le planeur aurait l’avantage d’allier la vélocité des missiles balistiques avec la manoeuvrabilité des missiles de croisière, ce qui rendrait les boucliers antimissiles actuels obsolètes : il peut ainsi évoluer en basse altitude, rendant la détection trop tardive pour permettre une éventuelle interception. Sa manoeuvrabilité lui permettrait également de contourner les zones de couverture des radars adverses. Avangard évolue en outre à une vitesse moyenne de Mach 20 (24 700 km/h), alors que les missiles guidés traditionnels ne dépassent généralement pas Mach 5, le seuil de l’hypersonique. Cette hypervélocité permettrait entre autres de détruire des ICBM dans leurs silos, une capacité inédite qui inquiète d’autant plus le Pentagone. La DARPA a d’ailleurs réagi en annonçant le développement de Glide breaker, un système anti-hypersonique.
Toutefois, la faisabilité du déploiement d’Avangard avant la fin de l’année 2019 reste sujette à caution. Le Pentagone a notamment relativisé l’avance de la Russie en remarquant que « l’on constatait davantage de grandes déclarations que de véritables preuves de succès ». En effet, bien que les HGV soient fabriqués en série depuis juillet 2018, le déploiement des RS-28 a pris du retard, il a donc fallu adapter le missile UR-100N au lancement des Avangard.
Les coûts de déploiement d’un tel système, pourraient également s’avérer difficile à supporter : 5 % du budget de la Défense seront consacrés à la seule commande d’ICBM et de SLBM selon le programme d’armement russe 20273. Grâce à sa maniabilité et à sa vitesse qui lui confèrent une capacité inédite contre les boucliers antimissiles, le planeur hypersonique russe pourrait remettre en question l’efficacité de la défense et de la dissuasion entre puissances rivales. Le sentiment de supériorité technologique russe perçu depuis le discours du 1er mars à l’Assemblée fédérale reste toutefois conditionné au déploiement effectif du système Avangard, susceptible de prendre beaucoup plus de temps qu’escompté par le Kremlin.

 

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