(Opinion – Par Murielle Delaporte) – Puisque le Président Macron a choisi d’employer une terminologie guerrière pour qualifier la pandémie ambiante, nombreux sont ceux qui cherchent à comprendre pourquoi la logique de « mobilisation générale » – qu’il appelle de ses vœux depuis son allocution du 16 mars -, ne s’applique pas à certaines mesures d’ordre médical prises dans l’état d’urgence actuel.

On pourrait revenir sur les erreurs passées de mauvaise gestion des stocks, de la dépendance de notre chaîne d’approvisionnement (en particulier en ce qui concerne notre dépendance par rapport à la production de médicaments et de matériels médicaux issue pour la plupart de Chine), du manque de considération de nos personnels de santé depuis des années : tout cela semble aujourd’hui enfin pris en compte – au moins momentanément – grâce à une prise de conscience collective et continuera certainement à être remis à plat après la crise au nom de la souveraineté nationale et de l’autonomie stratégique que le Président cherche à instaurer au profit de la France, mais aussi de l’Europe, depuis le début de son mandat1 – du moins il faut l’espérer.

Mais le sujet concerne ce qui pourrait être fait à l’heure actuelle – dans l’immédiat – pour sauver des vies chez des patients « atteints du coronavirus et sur le point de passer en service de réanimation ». Pour le professeur Christian Perronne, chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches membre de l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que pour bon nombre de ses collègues spécialistes des maladies infectieuses, c’est l’incompréhension qui domine face au refus des autorités politiques de donner le feu vert aux praticiens pour d’ores et déjà utiliser la chloroquine avec un encadrement médical, telle que c’est le cas pour d’autres pathologies. « On est à la guerre, il faut y aller …», déclarait récemment sur France24 le professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’Université de Versailles-Saint-Quentin2.

En médecine de guerre, l’urgence implique la décision et l’action, et ce, d’autant plus, si les risques sont plus limités que l’inaction. Actuellement la décision de situation de guerre existe hélas déjà dans certains établissements et porte sur le fait de savoir quel est patient qui a le plus de chance de s’en sortir pour l’attribution des lits en service de réanimation déjà bien trop rares.

Garder la chloroquine pour lancer un essai clinique au niveau européen, par essence chronophage et déjà source de discorde alors que le temps presse, paraît être en décalage avec l’exigence et la logique d’une médecine de guerre annoncée. Sans compter que cette initiative révèle un manque de confiance des décideurs envers un corps médical parfaitement responsable et capable d’évaluer les risques et les conditions d’administration d’un médicament susceptible d’être, dans certains cas, considéré « de la dernière chance », et donc pris – à l’inverse – sans encadrement, ni surveillance professionnelle.

 

1 Voir par exemple l’annonce de mobilisation industrielle sur la production de masques >>> https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/masques-respirateurs-gel-hydroalcoolique-macron-veut-reconstruire-une-souverainete-nationale
2 Voir la vidéo ci-dessous >>> https://www.youtube.com/watch?v=wIIX8R5VdPk

Photo ©  https://medium.com/@ngough_bioserendipity/what-you-should-know-about-chloroquine-and-hydroxychloroquine-dc77d215e3c3