(Par Murielle Delaporte) – Lors d’un déplacement à l’AIA (Atelier industriel de l’aéronautique) de Clermont-Ferrand le 15 octobre, le ministre des Armées, Florence Parly, a prononcé un discours dressant un premier bilan de la réforme du maintien en condition opérationnelle qu’elle a engagée voici trois ans.

Ce discours met en avant des progrès indéniables en matière de disponibilité, dont le succès est attribué à la verticalisation des contrats et à la meilleure visibilité dont bénéficient aujourd’hui les industriels :

« Cette amélioration résulte notamment de notre choix assumé de la verticalisation des contrats. En 2017, pour le maintien en condition opérationnelle d’un aéronef, le ministère des Armées pouvait passer jusqu’à 30 contrats de maintenance différents. Avec pour chaque industriel, la responsabilité d’une petite partie de ces aéronefs, avec des priorités différentes, des méthodes de travail différentes, et finalement, personne ne se sentait en charge de faire voler nos avions et nos hélicoptères.
Partant de là, verticalisation, cela rime avec révolution : nous avons mis fin à la dissolution des responsabilités en réduisant drastiquement le nombre de contrats. Désormais, nous avons pour chaque flotte un chef d’orchestre de la maintenance, avec, et c’est fondamental, un guichet unique pour la logistique. Ces nouveaux contrats verticalisés sont non seulement globaux, portant sur la totalité d’un appareil, du train d’atterrissage aux rotors principaux, mais ils sont aussi engagés sur le long terme. Nous offrons plus de visibilité à nos industriels, une visibilité qui doit permettre une meilleure organisation des plans de charge et des relations fluides avec les sous-traitants. A ce jour, 7 contrats verticalisés ont été notifiés qui couvrent le Fennec de l’armée de Terre, le Cougar, le Caracal, le Tigre, le Dauphin, le Panther, l’Atlantique 2, l’A400M et le Rafale. D’ici 2022, plus de 15 contrats supplémentaires doivent être conclus. La totalité de nos flottes bénéficiera alors d’un contrat verticalisé.
Ces contrats de nouvelle génération produisent directement des résultats sur les taux de disponibilité des flottes concernées. En 2017, une moyenne de seulement 3 avions A400M était disponible. Aujourd’hui, c’est deux fois plus : la moyenne se situe à 6 avions disponibles. Nous avons également constaté des pics journaliers de disponibilité à 11 avions prêts pour voler, ce qui était absolument inédit. Parce qu’il ne faut jamais perdre de vue la finalité opérationnelle que nous poursuivons, je précise que c’est un de ces avions qui a été mobilisé en urgence sur décision du Président de la République pour contribuer au pont aérien vers le Liban, dans le cadre de l’opération Amitié en août dernier.
Concernant le Caracal, un des hélicoptères qui intervient dans les missions les plus sensibles des forces spéciales ou pour sauver des personnes lors de tempêtes ou catastrophes naturelles, sa disponibilité moyenne ne dépassait pas 5 appareils en 2017. Aujourd’hui, plus de 8 sont prêts à décoller chaque jour. Concernant maintenant l’hélicoptère Tigre : en 2017, son taux de disponibilité stagnait à 26% pour une moyenne de 16 appareils disponibles. Aujourd’hui, ce taux atteint 31%, avec une moyenne de 21 hélicoptères prêts à voler. Enfin, j’achèverai avec le Fennec de l’armée de Terre dont nous avons pris la décision d’externaliser complètement la maintenance. Son activité aérienne a bondi, avec un total de plus de 5 000 heures de vol escomptées en 2020 contre seulement 2 500 en 2017. Et dans le même temps, le coût à l’heure de vol a été divisé par deux. Cette externalisation de la maintenance nous a également permis de redéployer des mécaniciens sur le Puma. Presque immédiatement, la disponibilité des Puma a frémi et augmenté de 7%. »1

Il est ainsi bon de noter que la réforme actuelle ne consiste pas à « réinventer la roue », mais s’appuie au contraire sur la réussite de mesures prises au cours des décennies passées. Si les optimisations en cours ont joué un rôle, il faut aussi souligner que la mise à disposition de moyens budgétaires supérieurs est la clé de ce type d’amélioration et d’accelération de tendances et de processus qui existent déjà depuis nombre d’années. C’est notamment le cas des guichets uniques, ou encore des plateaux de coordination. Considérés comme « révolutionnaires »2, ils sont de fait à bien des égards les héritiers des plateaux techniques, dont le premier remonte à 2006 et répondait à l’époque à un problème de disponibilité des moteurs de Mirage 2000 et Mirage F1. Portant le nom de CICoMORe (CICoMORe pour « Cellule Intégrée de COordination de la Maîtrise d’Oeuvre des Réacteurs »), nous le décrivions ainsi dans le numéro 5 de notre revue paru en 2011 :

« Créée sur la base d’un protocole d’accord signé en juin 2006 entre l’Armée de l’Air, le Service de la Maintenance Aéronautique – devenu aujourd’hui le SIAé –, la SIMMAD et la marine nationale, la cellule intégrée CICoMORe a été inaugurée en octobre 2006 sur le site de l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) de Bordeaux : il s’agit concrètement d’un plateau technique et logistique regroupant les maîtres d’oeuvre étatiques et privés de la maintenance des réacteurs des flottes de Mirage 2000, Mirage F1, Super Etendard Marine (de type ATAR 8K50), Rafale, et, en un deuxième temps Alpha Jet (Larzac). Sous le pilotage et l’arbitrage de la Structure Intégrée de Maintien en condition opérationnelle des Matériels Aéronautiques de la Défense (SIMMAD) en tant que maître d’ouvrage délégué (MOD), et selon les termes du rapport final du groupe de travail « Moteurs » de la MMAé en date du 28 juin 2006, sa mission est d’ « assurer une coordination permanente et centralisée de l’ensemble des maîtres d’oeuvre de façon à permettre une disponibilité optimale du parc (moteurs, modules, rechanges, volants, et matériels de servitudes associés) satisfaisant les besoins opérationnels des forces avec la meilleure performance économique possible ». (…)
L’intérêt majeur et innovant de CICoMORe reside principalement dans le partage et la coordination des informations, partage permis par la co-localisation des différents acteurs regroupés au sein de quatre antennes étatiques – AIA, Air, Marine, SIMMAD – et de l’antenne industrielle, à savoir la Snecma. »3

Si les défis de la navigabilité et de l’harmonisation des systèmes d’information demeurent une constante et ont été soulignés dans le discours du MinArm, il est une tendance qui semble s’accélérer depuis la création de la DMAé (Direction de la maintenance aéronautique) en 2017, à savoir celle de la « civilisation » de l’activité MCO au sein de la défense avec des personnels civils devant représenter à l’horizon 2025 « la moitié des effectifs de la DMAé », et dont « 40% des personnels occuperont des postes de niveau 1 »4.

Florence Parly a aussi invité l’armée de l’Air et de l’Espace et l’armée de Terre à suivre l’exemple de la Marine dans son adossement au SIAé5, un adossement réalisé voici déjà dix ans6.

 

Notes de bas de page

Extrait du Discours de Florence Parly >>> Discours de Florence Parly, point d’étape sur le MCO aéronautique à Clermont-Ferrand, le 15 octobre 2020

2« La réforme du MCO aéronautique a aussi engagé une révolution de nos méthodes de travail et de notre organisation. Page 10 sur 12 Pour commencer, nous développons le travail au sein de plateaux de coordination. Les acteurs du MCO d’un aéronef, de l’industriel à l’ingénieur de l’armement, en passant par les mécaniciens des armées, sont réunis au même endroit : le partage d’informations est plus fluide, la prise de décision accélérée, les équipes sont ainsi plus réactives et efficaces pour faire face aux imprévus qui retiennent les appareils à terre. Travailler ensemble au quotidien permet aussi d’identifier plus rapidement les voies d’amélioration du soutien de la flotte. Le premier plateau a été mis en place en avril à Orléans pour l’A400M, au beau milieu du confinement ! Je tiens à le souligner et à féliciter les équipes qui ont participé à ce premier regroupement, car cela démontre toute la volonté collective de réussite. Le plateau du Tigre démarre et un autre plateau sera prochainement installé pour l’Atlantique 2 à LannBihoué », Florence Parly, ibid.

Manuella Benquey-le Vaillant, « CICoMORe : la réussite d’un plateau technique », Soutien Logistique Défense # 5, printemps été 2011, pages 40-42 – Lire l’article en entier en pdf >>> CICOMORE  Soutien Logistique defense numero 5 printemps 2011

Discours de Florence Parly, ibid.

« Je souhaite également que le SIAé et les forces travaillent encore mieux ensemble. La Marine a montré la voie avec un adossement au SIAé et je souhaite que l’Armée de l’Air et de l’Espace ainsi que l’Armée de Terre puissent s’en inspirer, dans le respect naturellement des spécificités liées à leurs implantations territoriales », Florence Parly, ibid

Voir notre article : Capitaine de Vaisseau Alain Hemmer, directeur adjoint de l’AIA de Cuers-Pierrefeu, « MCO des parcs de l’aéronaval : le nouvel adossement Marine-SIAé », Soutien Logistique Défense # 2, printemps été 2010, pages 14-16 – Lire notre dossier en entier en pdf  >>> Dossier SIAe Soutien Logistique Defense numero 2 printemps 2010

 

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Photo : réparation d’un Transall a l’AIA de Clermont ferrand en 2014 © JM Tanguy, Operationnels.com, 2016 (https://operationnels.com/2016/11/27/dto-reparation-de-transall-a-laia-de-clermont-ferrand/)