Texte et photos par le Lieutenant-Colonel (R) Pascal Podlaziewiez –  Au sein du 9ème régiment de soutien aéromobile1 se trouve une unité unique qui vient de fêter ses vingt ans: l’ETCM ou Escadrille de transport et de convoyage du matériel.  Créée en 1999 cette escadrille a pour mission :

  • l’appui à la perception, à la réception des aéronefs de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT)
  • l’assistance technique au profit des régiments d’hélicoptères de combat (RHC)
  • la livraison de pièces aux unités des RHC
  • le renfort en équipes de maintenance
  • l’entrainement au parachutage
  • la livraison par les airs de petits colis
  • l’engagement en opération extérieure.

Pour remplir ces missions multiples dans le domaine de la 3ème dimension, cette escadrille dispose d’une soixantaine de personnels et de trois réservistes (1 secrétaire et deux anciens pilotes qui apportent leur concours au bureau des opérations). Ce personnel arme quatre pelotons en plus de la cellule commandement.

Un personnel hyper qualifié
Tous les pilotes – avion ou hélicoptère – sont des pilotes et chefs de bord confirmés et ayant une très grande expérience opérationnelle et de pilotage. Tous sont issus du cursus hélicoptère. Même si la nouvelle politique de recrutement permettra dans un avenir proche de voir affecter des pilotes « avion » OSC/pilote, le socle de l’escadrille est formé par des équipages ayant servi dans des régiments d’hélicoptères de combat, à l’exception de deux anciens élèves pilotes de l’armée de l’Air et de l’Espace. En plus des connaissances acquises au cours des années, le personnel affecté va suivre une formation de pilote de convoyage des types d’hélicoptères sur lesquels ils sont qualifiés et une formation « avion » pour ceux qui serviront au peloton « avion ». De même les mécaniciens et chefs de piste compléteront leurs connaissances techniques sur les divers appareils dont ils auront la charge. Ce personnel comme celui du régiment fait partie de l’ALAT et opère sous le commandement du COMALAT (commandement de l’aviation légère de l’armée de Terre). Les quatre pelotons de l’escadrille se répartissent de la façon suivante :

  • Un peloton avion :
    Avec ses 5 avions Pilatus PC62, les pilotes avion du peloton assurent plus de 2000 heures de mission à l’année. Ces hommes et l’unique femme du peloton sont des personnels qui sont dotés d’une très grande, voire totale, autonomie. Pour remplir les missions qui leurs sont assignées, souvent le pilote, qui détient aussi les qualifications de chef de bord, rempli SEUL sa mission. Une fois sa mission reçu il doit préparer son plan de vol en « traçant » sa route aéronautique, demander ses autorisations pour le trajet auprès de la DGAC (direction générale de l’aviation civile)- dépôt du plan de vol, assurer sa logistique tant avion que personnel sur le trajet et/ou sur le point d’arrivée (conditions de stockage de l’avion sur place si nécessaire, logement et alimentation du pilote, avitaillement de l’aéronef…) mais il doit aussi être autonome quant aux opérations de vérification de sa machine lors du trajet car il ne dispose pas de mécanicien qualifié avec lui en vol ni même sur les sites où il peut ou doit se poser. Il mène sa mission de A à Z. Cela dans le cadre d’un « vol à vue » et en métropole. Si la mission au départ comporte un vol aux instruments, de nuit ou en dehors de l’espace aérien français, la réglementation militaire impose un chef de bord et un pilote. Mais là encore l’équipage gère entièrement et seul sa mission. En métropole les missions sont diverses et variées la principale étant le transport des équipages « hélico »qui doivent assurer le convoyage de machine comme évoqué ci-dessus, mais aussi l’acheminement de pièces de rechanges, d’équipements (outillages), voire de techniciens soit pour des unités déployées dans le cadre d’exercices sur le territoire ou à l’étranger, soit au profit des régiments pour des pièces « urgentes » afin de lever au plus vite les indisponibilités des hélicoptères de ces unités et permettre une meilleure DTO (disponibilité technique opérationnelle). Ce peloton assure également des missions au profit des parachutistes de la défense en général et de manière ponctuelle, participe à l’entraînement de l’équipe de France de parachutisme de précision, particulièrement lors des championnats de France ainsi qu’auprès de l’organisation du tour de France des jeunes pilotes.
    En liaison avec le RTP (régiment du Train Parachutiste) il participe au maintien des qualifications du personnel largueur dans le savoir-faire de la livraison par air des petits colis. En effet l’avion du fait de ses capacités (empattement de la porte) et de la manipulation par les soldats des colis, permet une LPA de colis de l’ordre d’une soixantaine de kilos par colis. « Un avion est en permanence déployé en opération extérieure dans le cadre de Barkhane avec un équipage et deux mécaniciens. Les missions sur ce théâtre sont, outre le convoyage logistique entre les emprises de pièces, de ravitaillement ou de personnel, des missions de LPA (livraison par air) communément appelées LPC (livraison de petits colis) colis contenant des vivres, de l’eau, des munitions ou tout autre besoin au plus près des unités par parachutage à très basse altitude (moins de 150m), mais aussi des missions de rapatriement sanitaire pour des blessés sans urgence vitale et sans médicalisation particulière. D’autres missions peuvent également leur être données dans la mesure des capacités des avions. » Ce personnel « reconverti » de l’hélicoptère à l’avion suit annuellement des entretiens de qualification dans les acquis afin de respecter les directives de l’aéronautique civile. Un personnel « instructeur » détient toutes les qualifications qui lui permettent de délivrer et de valider les licences de vol (civil et militaire) aux pilotes du peloton.
  • Un peloton hélicoptère :
    Cette dizaine de pilotes et chefs de bord chevronnés ont une mission primordiale : le convoyage des hélicoptères entre les régiments et les industriels dans le cadre de la maintenance. Chaque personnel détient plusieurs qualifications de pilotage, au minimum deux, sur divers types d’hélicoptères : gazelle, puma, cougar, tigre, Caïman mais tous sont qualifiés sur gazelle.  Ils sont l’interface entre les unités et les industriels. Chaque aéronef, durant sa vie en service, suit un programme de visite périodique, en unité, mais aussi chez l’industriel pour des visites plus importantes ou des remises à niveau, voire des réparations majeures. Dans ce cas, la machine est alors mise à disposition par l’unité aux équipages de convoyage selon un protocole établi et strict. La réglementation notamment aéronautique ne souffre pas de manquement aux règles et aux procédures. Après une inspection rigoureuse par les convoyeurs, ces derniers effectuent la liaison du régiment vers l’industriel. La machine est remise pour la maintenance à ce dernier qui suivant un plan calendaire de soutien va effectuer en liaison avec la DMAé (direction de la maintenance aéronautique) les interventions programmées et/ou complémentaires. Dès lors que l’industriel a terminé sa mission, l’escadrille envoie une équipe de techniciens pour un premier contrôle au sol. Documentation, suivi des interventions, tests au sol… sont autant de points de contrôle que ces mécaniciens vont scruter. Un défaut et l’appareil n’est pas repris en compte. Dans ce cas un dialogue s’instaure entre le commandement et l’industriel pour lever les points bloquants. Une fois que « tous les feux sont au vert », l’équipage de convoyage va prendre à son tour en compte la machine et effectuer les tests en vol. Tout est testé par ces experts du vol. En cas de la moindre anomalie c’est le retour vers l’industriel pour une intervention technique.Quand tout est « OK », l’équipage va convoyer cette machine à l’unité détentrice et la remettre aux utilisateurs avec tous les documents de suivi liés à l’appareil. De même ces équipages sont chargés de prendre en compte et de convoyer les appareils neufs sortants des chaines de l’industriel avant de les livrer aux unités.Pour exemple et en moyenne un hélicoptère Tigre entre en grande visite chez l’industriel tous les deux ans. Sur une année, le peloton assure plus de 1000 heures de convoyage.
  • Un peloton piste :
    Il a pour mission la mise en œuvre des « machines » avant le départ. Pour ce faire ces « mécanos » assurent la mise à disposition des équipages les aéronefs programmés. Ils assurent les inspections avant les vols, les configurent en fonction de la mission, les mettent en piste et veillent aux opérations de mise en route avec le pilote. Au retour de mission, ils réceptionnent l’aéronef, la contrôlent, assurent l’avitaillement (l’escadrille dispose de ses propres moyens pour l’avitaillement des divers aéronefs), la reconfigurent en version « lisse », avant une inspection détaillée et le remisage au hangar.  Ils peuvent aussi en cas de besoin apporter leur concours à des interventions techniques sur le terrain et ce personnel, mécanos et pompiers participent aux opex.  11 mécaniciens et 3 soutiers assurent ces missions de soutien du niveau NTI1.
  • Un peloton sauvetage incendie secours :
    Ce dernier a pour mission la protection incendie des aéronefs, et de leurs équipages, lors des phases de décollage et d’atterrissage. Soldats de l’armée de Terre, ils sont des pompiers aéronautiques, formés sur la base aérienne de Cazaux.

 

Notes de bas de pages et références complémentaires :

1  Le 9e RSAM fut créé le 1er juillet 2017, suite à la restructuration du 9e BSAM. Le régiment maintient la présence sur Montauban depuis plus d’un demi-siècle d’un organisme militaire spécialisé dans la maintenance aéronautique des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT). Héritier des traditions du 9e régiment de soutien aéromobile de Phalsbourg, le 9e RSAM est l’organisme central et unique du maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères de l’ALAT, qu’ils soient d’ancienne ou de nouvelle génération à l’exception du Caracal. Il regroupe un haut niveau d’expertise technique et logistique, couplé à une réactivité sans faille et une grande capacité d’adaptation. Son effectif compte environ 500 militaires et civils, désormais concentrés sur un seul objectif : le soutien à l’engagement opérationnel des hélicoptères de l’armée de Terre.

*** Pour de plus de renseignements sur cette unité, voir notre article (par P. Podlaziewiez) paru dans le numéro 42 de la revue parue en septembre 2018 : Version PDF >>> 9e RSAM Operationnels SLDS #42

2 L’ETCM détient 5 Pilatus PC-6 Porter. Avion utilitaire monomoteur à décollage et atterrissage court à ailes hautes, il a été conçu par l’avionneur suisse Pilatus Aircraft. Avec une vitesse maximale de 280 km/h et une vitesse de croisière de 230 km/h cet avion n’est pas un bolide des airs, mais il a pour particularité d’être très maniable malgré un pilotage « en force » (pas d’hydraulique ni de commandes électriques mais des commandes par câbles), ainsi que de décoller et d’atterrir sur de très courtes distances (environ 400m au décollage et 300 mètres à l’atterrissage). Doté d’un turbopropulseur de 700 chevaux il a une autonomie de 600km environ (possibilité d’adjonction de bidons supplémentaires soit 300 km d’autonomie en plus) et un emport d’une tonne de fret. Ses dimensions sont de 11 mètres de long, 3.20 mètres de hauteur avec une envergure de 16 mètres. Sa masse à vide est de 1400 kg avec une masse maximale de 2800 kg. A ce jour l’ETCM dispose dans son hangar de 3 avions sur 5, avec un en permanence en OPEX et un chez l’industriel en grande visite pour un an. Tous passeront chez l’industriel dans les 5 ans.  Le vieillissement de cet avion, l’arrêt annoncé par le constructeur de la production cette année, mais aussi sa conception (pas de dégivrage) nécessiterait dans un avenir proche un retrofit de l’aéronef actuel ou un renouvellement de la flotte avec un avion plus performant. COMALAT jusqu’a l’été 2019, le général Grintchenko, avait de fait, lors de l’IQPC Military Helicopter Conference de 2018, expliqué le caractère complémentaire de l’avion par rapport aux hélicoptères, avec un coût de fonctionnement mais aussi d’acquisition beaucoup moins élevé, tout en soulignant le besoin opérationnel d’une quinzaine d’avions supplémentaires. Dans les colonnes du magazine Air Fan en mai 2019, le général Grintchenko etait revenu sur cette question : « l’avion présente plusieurs avantages. Tout d’abord, il est bien moins cher à l’achat, environ 5 millions d’euros contre 20 à 30 millions selon le type d’hélicoptère, tout en se montrant aussi beaucoup moins coûteux à la mise en œuvre, environ 1.000 euros de l’heure de vol contre 15 à 20.000 pour un hélico. Soit un rapport de 15 à 20 en utilisation quotidienne. De plus, comme ils exigent moins de maintenance, nos avions déployés en opérations sont actuellement cadencés à 100 heures par mois, contre 30 pour les hélicoptères ».

*** Voir notre reportage (par M.Delaporte) sur le Pilatus en OPEX : “Pilatus ou la botte secrète de l’ALAT” : Version PDF >>> Dossier Pilatus a Barkhane # 30 Operationnels simple Automne 2016