Par le Capitaine de Vaisseau Alain Hemmer, directeur adjoint de l’Atelier industriel aéronautique de Cuers-Pierrefeu
La version intégrale de cet article expliquant le détail de la réforme, qui sera effective au 1er janvier 2011, vient de paraître dans le second numéro Printemps-Eté 2010 de notre magazine, Soutien Logistique Défense.
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Le soutien étatique des parcs d’aéronefs de la marine repose traditionnellement sur les capacités de maintien en condition opérationnelle (MCO) réparties entre le Service industriel de l’aéronautique ou SIAé (NTI3) et les unités militaires (NTI1 et NTI2). Les activités de maintenance étaient jusqu’à présent découpées en trois niveaux techniques d’intervention (NTI): le NTI1 qui consiste en des opérations simples de maintenance réalisées par les flottilles; le NTI2 qui nécessite des moyens de maintenance complexes : les opérations de NTI2 sont réalisées dans des ateliers, dans le cas où une utilisation de bancs de tests est par exemple nécessaire, ou sur des aires de visite aménagées pour la dépose d’organes et d’éléments structuraux de l’aéronef; le NTI3, qui nécessite des moyens et des compétences industriels, tels que bureaux d’études, bancs constructeurs, ou autres. Ces trois niveaux sont maintenant réduits à deux – le NSI pour niveau de soutien industriel et le NSO pour niveau de soutien opérationnel -, et c’est tout l’objet des réformes en cours que de refléter une telle simplification et la complémentarité qu’elle suppose.
Le niveau de soutien industriel approfondi (ancien NTI3 devenant NSI) requiert l’intervention de bureaux d’études – comme celui de l’atelier industriel aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu en photo ci-dessus – à même de concevoir les modifications et améliorations de certaines pièces ou systèmes. (Crédit photo : AIA de Cuers-Pierrefeu, 2009) A ce jour, le SIAé concourt à la régénération du potentiel des parcs, en particulier en ce qui concerne les avions d’armes et les hélicoptères embarqués, ainsi que des stocks de la marine relatifs aux équipements qui lui sont confiés, permettant ainsi de satisfaire l’activité aérienne prévue. Il assure également un entretien patrimonial garantissant à la marine une utilisation durable et en toute sécurité de ses aéronefs : il faut ainsi garder à l’esprit que la moyenne d’âge de ces derniers est aujourd’hui de l’ordre de vingt quatre ans.. Enfin, il participe à l’évolution des capacités militaires des avions tout au long de leur vie.
De leur côté, les bases d’aéronautique navale (BAN), le porte-avions et les flottilles assurent d’une part la disponibilité de court terme des aéronefs et leur préparation aux missions, et entretiennent d’autre part les capacités techniques et l’autonomie nécessaires à l’accomplissement des missions sur les différents théâtres d’opérations. Les prestations du SIAé sont donc complémentaires des activités réalisées au sein de la marine, l’ensemble de cette chaîne technique contribuant à assurer la disponibilité durable recherchée. Une mutation des parcs contraignant à repenser le système Durant la prochaine décennie, ces deux acteurs du soutien vont connaître une mutation progressive de leur plan de charge en raison de deux facteurs majeurs :- la réduction de l’activité aérienne
- le remplacement des parcs anciens engendrant une lourde charge de maintenance par des aéronefs aux nouveaux concepts d’entretien (RAFALE, NH90) et en plus petit nombre, une des caractéristiques de l’aéronavale étant de mettre en œuvre des micro parcs.
Cette évolution nécessite ainsi de repenser fondamentalement la régénération des compétences étatiques, tant pour les ateliers des BAN que pour ceux des Ateliers industriels aéronautiques (AIA), dans un contexte caractérisé par les défis suivants :
- la recherche de réduction du coût du MCO
- la poursuite de l’amélioration de la disponibilité
- l’accroissement des contraintes réglementaires liées en particulier aux règlements sur la navigabilité des aéronefs d’Etat en cours de développement
- les difficultés à recruter et fidéliser le personnel technicien de statut militaire
- l’objectif simultané de réduction des effectifs.
La prise en compte de l’ensemble de ces enjeux a donc conduit la marine et le SIAé à rechercher de concert une solution d’optimisation globale et commune des capacités de soutien aéronautique des parcs de la marine. La nouvelle politique d’adossement : deux acteurs dorénavant indissociables Les réflexions engagées lors des travaux préparatoires à la création du SIAé avaient mis en évidence des redondances de capacités techniques avec les forces, et des voies de rapprochement et d’optimisation possibles. Leur instruction a été poursuivie durant l’année 2008, en prenant en compte les nouvelles orientations du Livre Blanc sur la Défense, ainsi que les orientations consécutives à la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Ces travaux ont conduit à proposer la répartition des tâches suivantes : d’un côté, il fut décidé de maintenir à la marine la responsabilité et les capacités strictement nécessaires à l’accomplissement quotidien des opérations aériennes, sur le porte-avions et les bâtiments porte-hélicoptères, sur BAN ou en détachement extérieur (soutien en environnement opérationnel). De l’autre, il fut décidé de transférer au SIAé les activités, et donc les capacités industrielles, du deuxième niveau technique que sont les ateliers et les équipes de visites des BAN (soutien en environnement industriel), afin de lui permettre de rechercher toutes les voies d’optimisation, de rationalisation et de progrès possible.
Entretien de niveau industriel sur Atlantique 2 et Hawkeye à l’AIA de Cuers-Pierrefeu (Crédit : AIA C-P, 2009)
Cette nouvelle organisation, qui vise à accroître la robustesse et l’efficience du soutien industriel étatique, lie également profondément le SIAé au soutien opérationnel. Pour les aéronefs de la marine, les deux acteurs seront désormais indissociables et leurs évolutions devront être conduites en pleine concertation. Le terme d’« adossement » régulièrement employé pour traduire cette nouvelle organisation MARINE/SIAé traduit ainsi ce partenariat d’un nouveau type, qui va bien au delà de la simple coopération contractualisée entre acteurs étatiques. ———- ***Posté le 20 mai 2010