Par Romain Mielcarek, journaliste


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Général Bruno Dary : le 14 juillet est « une opération à caractère chirurgical »

Crédit photos : Romain Mielcarek


14/07/2011 – « Le 14 juillet, c’est d’abord une opération. » Le gouverneur militaire de Paris, le général de corps d’armée Bruno Dary, insiste par ces mots sur l’ampleur organisationnelle du défilé militaire et de sa préparation. Et si c’est bien une opération, c’en est une d’envergure puisqu’elle nécessite le déploiement sur une période d’un mois de quelques 7 000 hommes, 300 véhicules et 84 aéronefs. Rien qu’en défilants. Car autour de ce dispositif, ce sont d’importants moyens de logistique et de soutien qui doivent être mis en place pour accueillir un tel dispositif au sein d’une région de l’hexagone où les implantations militaires s’avèrent chaque année plus réduites.

Le 14 juillet a lieu annuellement (hormis pendant la Seconde Guerre mondiale) depuis 1880, mais l’ampleur de cette revue d’armes présidentielle à laquelle nous sommes à présent habitués ne remonte qu’à la fin du siècle dernier. Cette longévité apporte aux organisateurs une véritable mémoire opérationnelle de l’événement qui permet année après année de corriger et d’améliorer son fonctionnement.

La phase de conception d’un 14 juillet débute dès le 15 juillet : le lendemain du grand jour, l’ensemble des autorités responsables se réunissent et font un débriefing complet de l’opération, chacun exposant son propre retour d’expérience. Entre décembre et janvier, une première réunion d’orientation est organisée pour définir les grands thèmes et repérer les unités susceptibles de défiler. En mars, c’est l’heure de la coordination : les dernières tâches sont distribuées et chacun doit alors déléguer à ses services les différentes missions.

Les UVL, une organisation basée sur l’OIS
Les efforts en matière de soutien sont calqués sur le nouveau modèle national. Cette année, l’Etat-major des Forces numéro 3 (EMF3) de Marseille, chargé de l’organisation, s’est ainsi basé sur l’Organisation interarmées du soutien (OIS). L’ensemble du soutien est structuré autour des Unités de vie logistique (UVL). Pour l’ensemble du 14 juillet, il faut en armer 12 réparties entre les différents sites d’accueil. La région militaire Ile de France pouvant en fournir 5 à elle seule. Chacune de ces uvl est composée d’environ 150 spécialistes chargés de fournir tous les services indispensables à la vie sur le camp.

Sur la base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge par exemple, c’est la première année d’emploi de cette méthode. La mission est simple : « être prêt et en mesure de préparer, soutenir et conduire » les personnels accueillis, explique le commandant d’escadron Yannick Bertrand, major de camp. Trois zones d’hébergement ainsi qu’une centaine de douches de campagne ont ainsi été installées dans des hangars à avions. Au sein de l’uvl, les hommes sont répartis en spécialités et chargés de mettre en place hébergement, ravitaillement matériel, service santé, carburant, moyens informatiques ou encore alimentation électrique. La liste n’est pas exhaustive et doit permettre au camp d’être pleinement opérationnel. Chaque jour, il faut également servir 4500 repas.

Les personnels de soutien sont fournis à environ 35% par l’EMF3. Pour les compléments, une liste des besoins fut établie, puis transmise à deux organismes afin de remplir les cases manquantes. Le Commandement des forces terrestres (CFT) de Lille a sélectionné parmi les unités défilantes celles qui devaient participer au dispositif de soutien, à hauteur de leurs effectifs déployés. Pour le reste, c’est la chaîne de soutien classique, le Centre de planification et de conduite du soutien (CPCS) qui repère les spécialistes nécessaires au soutien du reste des forces armées.

Se préparer à tous les cas de figure
L’important dans un défilé du 14 juillet, comme pour toute opération, c’est de ne manquer de rien. Le jour J, personne ne doit pouvoir remarquer de faille. Le léger différé télévisé permet d’occuper le spectateur en cas de problème. Si un véhicule tombait en panne devant la tribune présidentielle, il faudrait environ trois minutes pour l’évacuer. Bien cachés dans le tunnel de la Concorde, trois engins (un camion lourd de dépannage, un kerax et un char de dépannage) sont en mesure d’intervenir. Toute panne en amont sur les Champs Elysées serait simplement ignorée, le véhicule abandonné jusqu’à la fin de la manœuvre. Cela n’est encore jamais arrivé, mais le PC Concorde doit être prêt à agir dans ce type de scénario. La marge de manœuvre est assez restreinte : chaque unité a prévu un petit pool de remplaçants en cas de malades ou de malaises, mais le véritable risque réside au niveau des véhicules et des spécialistes. Pour chaque machine, il n’existe qu’un seul rechange. Petite frayeur pour le colonel Thierry Pollet, chef de la division logistique de l’EMF3 qui a ainsi perdu deux VBCI quelques jours avant le défilé. Problème réglé dans l’urgence non sans difficulté, ces engins dépendant toujours du soutien constructeur. Même chose avec un pilote de VBCI évacué en urgence vers l’hôpital de Drancy. D’autant plus difficile à remplacer que ces spécialistes sont actuellement extrêmement rares dans les régiments.

Ce sont en permanence quelques 150 mécaniciens qui sont disponibles pour répondre à ces besoins. Principalement basés à Satory, un détachement a également été installé à Brétigny pour assurer les réparations courantes (peintures, pièces d’usage simples, ect). Pour du plus lourd, il faut organiser un transport vers Satory sous escorte d’une unité de circulation. Les pièces sont acheminées en temps réel et selon les besoins via les réseaux Service de maintenance terrestre (SMITer) pour les pièces particulières et la compagnie d’approvisionnement de Moulin pour les pièces simples. C’est ce qu’il a fallu faire pour changer le moteur d’un char Leclerc deux jours avant le défilé.


Ce sont en permanence quelques 150 mécaniciens qui sont disponibles pour répondre à ces besoins. Principalement basés à Satory, un détachement a également été installé à Brétigny pour assurer les réparations courantes (peintures, pièces d’usage simples, ect). Pour du plus lourd, il faut organiser un transport vers Satory sous escorte d’une unité de circulation. Les pièces sont acheminées en temps réel et selon les besoins via les réseaux Service de maintenance terrestre (SMITer) pour les pièces particulières et la compagnie d’approvisionnement de Moulin pour les pièces simples. C’est ce qu’il a fallu faire pour changer le moteur d’un char Leclerc deux jours avant le défilé.


Demain, on prépare 2012
Le défile à peine terminé, c’est déjà la prochaine édition qui se prépare. Dés vendredi, les officiers en charge de l’organisation devront tirer leurs premières conclusions afin que l’équipe suivante commence à réfléchir sur le sujet. A noter que l’édition 2012, élection présidentielle oblige, sera plus compliquée, puisqu’il faut attendre les nouvelles orientations du futur chef de l’Etat. En 2008, le président nouvellement élu Nicolas Sarkozy avait ainsi demandé la présence de détachements européens, lesquels furent identifiés à la fin du mois de mai, et leur accueil préparé dans l’urgence.

Le défilé 2012 pourrait également être compliqué par l’important engagement opérationnel de la France. Ces derniers mois ont imposé un rythme effréné aux hommes et aux matériels, notamment dans le cadre des théâtres afghan et libyen. Les opérations extérieures restent évidemment prioritaires et il faut réussir à trouver des appareils à la fois aptes à l’emploi et disponibles pour participer à la fête.

Le défilé 2012 pourrait également être compliqué par l’important engagement opérationnel de la France. Ces derniers mois ont imposé un rythme effréné aux hommes et aux matériels, notamment dans le cadre des théâtres afghan et libyen. Les opérations extérieures restent évidemment prioritaires et il faut réussir à trouver des appareils à la fois aptes à l’emploi et disponibles pour participer à la fête.

En termes de soutien enfin, il pourrait y avoir du changement. Un officier supérieur envisage d’utiliser des bâtiments désaffectés de Satory afin de faciliter le déplacement des troupes pendant les nombreuses répétitions. Un bon exercice pour le génie qui pourrait transformer ces lieux en campement dur précaire (lits picots agrémentés de l’électricité et de l’eau courante mais abrités). La solution testée cette année en partenariat avec l’Education nationale, mettant à disposition deux lycées et un Crous s’est en effet avérée trop coûteuse. L’hébergement en Ile de France reste donc l’un des principaux dilemmes du soutien dans le cadre de cette opération…