Entretien avec Amaury de Hauteclocque, Commandant de la Force d’intervention de la police nationale (FIPN)

15 octobre 2011 – Contrôleur Général de la Police nationale, Chef du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) et du DCI IT (Détachement Central Interministériel d’intervention technique, c’est à dire de l’unité de contre terrorisme de la police nationale) depuis 2007, Amaury de Hauteclocque fut à l’origine de la création  de la FIPN (Force d’Intervention de la Police Nationale) qu’il commande depuis juillet 2009. Avant 2007, il a notamment occupé les postes de chef adjoint de l’UCLAT (Unité de coordination de la lutte anti terroriste) et de chef de la section Anti terroriste de la Brigade criminelle de Paris.

Dans le cadre d’un entretien réalisé en juin dernier, Amaury de Hauteclocque nous explique ici l’évolution de la formation des unités d’intervention de la police nationale regroupées au sein de la FIPN (RAID, Brigade anti-commando de Paris – BRI/BAC -,  et Groupes d’intervention de la police nationale – GIPN-) depuis sa création au lendemain de l’attentat de Bombay en novembre 2008 et les défis auxquels cette force de cinq cent personnels  est confrontée au quotidien [1].

 

 

Crédit photo : exercice de prise d’otage au RAID, Sandra Chenu-Goderoy, 22 septembre 2011

 

Le contexte : la prise de conscience de Bombay à l’origine de la FIPN

C’est en juillet 2009, donc depuis maintenant deux ans environ, que le RAID et la police nationale à l’appui ont pris acte des nouvelles menaces qui pèsent sur notre pays et sur le monde occidental en général.  Lorsque l’on examine toutes les formes d’hyper terrorisme mené par ceux qui se disent en guerre contre nous, la véritable prise de conscience pour la France de la nécessité d’adaptation à la menace prend sa genèse avec Bombay en novembre 2008.

En quoi les événements de Bombay s’avèrent-ils particulièrement nouveaux par rapport à ceux de Moscou en 2004, aux attentats du 11 septembre 2001, ou encore à la vague que la France a connue en 1995 ? Ce n’est ni la brutalité des intervenants, laquelle s’est malheureusement déjà produite, ni le fait d’avoir choisi pour cibles de grands hôtels internationaux, ce qui fut notamment le cas en Egypte ou encore à Bali ; ce qui est intéressant dans le cas de Bombay et ce sur quoi nous avons porté nos réflexions et nos travaux est l’analyse du chaos induit par l’opération menée par les terroristes.  On s’aperçoit en effet que tout avait été organisé par les terroristes pour pouvoir dans un premier temps désorganiser la réponse étatique, puis dans un deuxième temps, attaquer les cibles finales qu’ils s’étaient fixées sans contrainte aucune.

« Ce qui est intéressant dans le cas de Bombay et ce sur quoi nous avons porté nos réflexions et nos travaux est l’analyse du chaos induit par l’opération menée par les terroristes. »

Nous avons donc voulu voir comment, en un tel cas de figure, la France réagirait et c’est la raison pour laquelle dès décembre 2008, le ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Alliot Marie, a réuni tous les intervenants potentiels, à savoir à l’époque le RAID, la Brigade anti-commando de Paris, les GIPN, le GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), les moyens d’appui défense, les moyens de secours, les Sapeurs-pompiers de Paris et les Marins-pompiers de Marseillais, afin de mener un exercice de simulation d’un attentat multi-cibles.

Le scénario de l’exercice de simulation retenu multipliait les attaques :

  • avait d’abord lieu une prise d’otage majeure sur la Tour du Crédit Lyonnais à Lyon ;
  • suivait ensuite, une heure après, une prise d’otage sur la Tour Elf de la Défense ;
  • puis, une demi-heure après, se produisait une double prise d’otage sur deux avions au Bourget ;
  • un attentat à la Gare Saint Charles de Marseille donnait parallèlement lieu à des éléments d’enquête à travailler, tels que la fuite d’une camionnette dont le numéro d’immatriculation avait été relevé ;
  • et enfin, une prise d’otage massive paralysait l’hôtel Crillon à Paris.

L’idée maîtresse de cet exercice est que nous avons tous été rapidement « dans le rouge » et que, sans même augmenter les effectifs,  il y avait certainement une marge d’amélioration possible en termes d’organisation. Au niveau police, il était en premier lieu nécessaire de mieux nous harmoniser. Face à une attaque de grande envergure du type de l’attentat multi-cibles de Bombay, la seule réponse consiste à disposer d’un réservoir de forces et d’un potentiel d’intervention. Même en ajoutant les quatre-vingt personnels dédiés au soutien et à la logistique des personnels d’intervention (cent personnes), le RAID se trouve dépassé dans ce type de scénario. D’où mise à disposition auprès du chef du RAID et sur décision du Directeur général de la police nationale (DGPN) de la FIPN. Unité non permanente, elle  rassemble toutes les forces de la Police nationale, lesquelles sont constituées par les GIPN. Ces groupes d’intervention sont du ressort de la Direction centrale de la sécurité publique et sont au nombre de dix – sept en métropole et trois  Outremer à raison de vingt personnes par groupes -, auxquels il faut ajouter l’ensemble de la Brigade anti-commando de Paris. D’une capacité d’intervention de deux cent personnes, nous sommes passés à cinq cent ! Avec ces cinq cent personnes que je regroupe ici à Bièvres, j’ai la profondeur stratégique nécessaire pour être en mesure de répondre à un événement d’envergure : je peux non seulement riposter immédiatement, mais également conserver un réservoir de forces pour continuer à faire face soit en injectant de la relève, soit en répondant à une autre situation de crise éventuelle.


Crédit photos : SCG, ibid 


« Face à une attaque de grande envergure du type de l’attentat multi-cibles de Bombay, la seule réponse consiste à disposer d’un réservoir de forces et d’un potentiel d’intervention. Même en ajoutant les quatre-vingt personnels dédiés au soutien et à la logistique des personnels d’intervention (cent personnes), le RAID se trouve dépassé dans ce type de scénario. D’où mise à disposition auprès du chef du RAID et sur décision du Directeur général de la police nationale (DGPN) de la FIPN (…). D’une capacité d’intervention de deux cent personnes, nous sommes passés à cinq cent ! »


« Repartir à zéro »

Une telle évolution nous a non seulement obligé à travailler différemment, mais aussi à revoir complètement notre doctrine d’intervention :  nous avons en conséquence mutualisé le recrutement, la sélection et les formations et aujourd’hui le RAID assure pour l’ensemble des forces ces trois moments clés de toute personne dont la carrière  est dédiée à l’intervention. Il a donc fallu repartir de zéro : nous avons travaillé sur toutes les thématiques avec les différentes unités, dont les habitudes et les méthodes de travail différaient toutes. Cette exigence d’harmonisation s’est imposée en termes tactiques, mais aussi au niveau des équipements, nous mutualisons donc également ces aspects en faisant notamment de la Recherche et développement en commun. La Direction générale de la police nationale (DGPN) a dégagé une enveloppe budgétaire suffisamment conséquente pour mener les premières avancées et parer au plus pressé. Le RAID équipe ainsi la FIPN en moyens de communication, en moyens de protection, en équipements individuels, en moyens de protection NRBC (Nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique), et, surtout, il sélectionne et  forme l’ensemble de la force. Commence ainsi à se créer un véritable esprit de corps de la FIPN, lequel  favorise ensuite le travail en commun sur le terrain.

« Nous avons mutualisé le recrutement, la sélection et les formations et aujourd’hui le RAID assure pour l’ensemble des forces ces trois moments clés de toute personne dont la carrière  est dédiée à l’intervention (…).Commence ainsi à se créer un véritable esprit de corps de la FIPN, lequel  favorise ensuite le travail en commun sur le terrain. »

La formation tend ainsi à évoluer  tant au niveau du processus de sélection, du cursus en lui-même, que des moyens et de l’approche mises en œuvre pour parfaire un entraînement particulièrement exigeant.

  • – Au niveau de la sélection : autrefois les sélections et les formations étaient différenciées. Un membre du GIPN souhaitant rejoindre le RAID devait  passer par les tests de sélection et suivre la formation initiale de ce dernier. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Les épreuves de sélection et la formation sont maintenant les mêmes, les candidats peuvent choisir l’un ou l’autre (souvent sur la base de critères géographiques).  Ce que l’on constate en ce moment est que nous avons de plus en plus de difficulté à recruter des candidats au potentiel physique adéquat : lors d’une séquence de sélection récente, nous n’avons pu retenir qu’un seul candidat et le GIPN seulement quatre ou cinq sur un total de trois cent soixante postulants. Nous sommes donc obligés de passer de deux à trois sélections par an, en raison de cette baisse de niveau, laquelle est simplement le reflet de la société dans laquelle nous vivons et qui génère de plus en plus de citadins formés à la Nintendo et à la Gameboy. Certes nous avons parfois affaire à des champions du monde ou de France dans leurs spécialités, mais nous ne sommes pas une pépinière de sportifs de haut niveau. De fait, les deux critères que l’on recherche chez un candidat sont la rusticité et la stabilité mentale, en ce sens que notre travail est difficile et psychologiquement très impactant. Il est important de voir comment la personne peut travailler sous un effet de stress très fort et de juger de son aptitude à comprendre comment une situation se présente et la façon dont elle évolue.
  • –  Au niveau de l’évolution du cursus, nous nous efforçons chaque année d’adapter notre formation, dont la phase initiale est passée de deux à plus de quatre mois : cette formation consiste à intégrer une personne au sein de l’unité d’assaut,  sans qu’elle n’ait encore développé la ou les spécialités que l’on va attendre d’elle au cours des cinq premières années. En mettant à part la cynotechnie qui développe ab initio ses propres savoir-faire, il existe six grandes spécialités : parachutiste, tireur d’élite, plongeur, spécialiste du déminage, de l’effraction ou du franchissement. Autre changement, nous avons allongé de cinq ans le temps de service obligatoire qui passe donc de dix à quinze ans : nous avions au départ un contrat quinquennal renouvelable une seule fois, mais nous nous sommes rendu compte que nous perdions le bénéfice d’une formation longue et onéreuse devenant précisément rentable à l’issue de ces cinq années. Or le renouvellement de contrat était essentiellement consacré par le personnel pour trouver un reclassement favorable dans les unités classiques de la police nationale.

– Nous dispensons également un certain nombre de formations spécifiques et avons développé dans cet esprit des partenariats « gagnant – gagnant » : c’est le cas de celui forgé entre le RAID et le COS (Commandement des opérations spéciales) en matière de protection dans les pays à risques ou dans les pays en guerre. Il s’agit d’une formation que nous dispensons à la fois pour nos partenaires du Service de protection des hautes personnalités (SPHP) et du ministère des Affaires étrangères. Nous pratiquons un autre système de protection rapprochée et avons donc élaboré une formation spécifique en liaison avec les militaires. Nous avons de fait beaucoup d’échanges avec ces derniers (au niveau tactique, mais aussi au niveau matériels), en ce sens que leur expérience dans le domaine spécifique dans lequel ils interviennent nous intéresse directement. A l’inverse, nous leur apportons notre expertise en matière de contre-terrorisme urbain, auquel ils sont confrontés de façon croissante et qui est en l’occurrence notre cœur de métier.

– En 2010, la FIPN a effectué trois exercices majeurs et en aura fait deux cette année, car nous sommes en train de tester d’autres paramètres : jusqu’à présent en effet, nous faisions des exercices de mise en situation sur le terrain, tandis que nous essayons à l’heure actuelle d’affiner notre organisation PC et nos procédures de « Command and Control ». Notre expérience est que plus nous développons nos structures et les étirons géographiquement, plus le dispositif se révèle carnivore en personnel : pour un opérationnel, il faut près de trois personnes en soutien pour gérer la bonne remontée d’information et la communication. Ces personnels doivent être formés comme acteurs de terrain, afin d’être à même de bien coordonner les opérations. En ce qui concerne les scénarios de crise grave, l’un des obstacles que nous rencontrons en matière d’entraînement est l’accès aux sites dans les conditions souhaitées (de nuit ; avec du feu, etc..) : le triple 7 ou l’A380 d’Air France sont rarement disponibles et  le tunnel sous la Manche, ou encore le centre de recherche nucléaire de Saclay pour y ouvrir des brèches, n’est pas des plus faciles. D’où le complément de formation apporté de façon croissante par la simulation 3D.

« Il existe [au RAID] six grandes spécialités : parachutiste, tireur d’élite, plongeur, spécialiste du déminage, de l’effraction ou du franchissement. »


La simulation 3D : une voie d’avenir

Un des axes que nous développons actuellement afin d’optimiser notre entraînement et nos capacités opérationnelles est la simulation et ce, en partenariat avec les industriels avec lesquels nous travaillons de plus en plus en réponse à des besoins spécifiques de cet ordre. Nous sommes ainsi allés voir Dassault Systèmes qui nous a beaucoup aidés en matière de simulation 3D. Nous travaillons ainsi sur la numérisation 3D des sites potentiels des cibles en France, soit environ deux cent cinquante à trois cent sites répertoriés. Il s’agit d’installations sensibles, susceptibles de donner lieu à la réalisation de dossiers d’aide à l’intervention, tels que des centres de recherche nucléaire, des grands ouvrages d’art, des établissements pénitenciers, des emprises étrangères sur le territoire (ambassades et consulats), ou encore, les grands bateaux, etc.  Pour être en mesure de progresser vers cette voie d’avenir que représente la technologie 3D, nous avons bénéficié du développement des logiciels de défense et des simulateurs aéronautiques, et également de façon croissante du travail de conception 3D destiné à l’origine aux applications industrielles.

L’intérêt de cette simulation 3D est qu’elle va nous permettre de travailler en situation de quasi-réalité, sous format communautaire. Ce qui nous intéresse dans ce processus de numérisation d’installations, ce ne sont pas l’entrée des données classiques (hauteur de façade ; profondeur du bâtiment ,etc), mais un certain nombre de spécificités techniques susceptibles de faciliter nos interventions, telles que l’existence ou non de faux-plafonds, le sens d’ouverture des portes et leur matériau de fabrication, ou encore l’environnement en lui-même : pour placer des hommes en observation sur tel ou tel site, il est en effet intéressant de savoir s’il existe des obstacles visuels.  C’est un énorme travail qui nécessite de surcroît des mises à jour régulières. Nous nous engageons donc progressivement sur cette voie, qui est de toute façon l’avenir.

Nous avons par exemple reconstitué intégralement un lieu d’intervention, car je voulais tester un système de communication autonome et sécurisé qu’EADS a développé. Nous avions donc multiplié les foyers de crise, avec l’un sur le port de Nice sur le Club Med 2, un à Pau et un autre à Paris.  Nous devions donc à partir de Paris voir comment nous projeter, donner des assauts simultanés à cinq cent kilomètres de distance, tout en nous affranchissant complètement des réseaux classiques gérés par les opérateurs traditionnels. Nous avons donc fait numériser par notre partenaire industriel l’ensemble du ClubMed 2 jusque dans ses données  techniques les plus complexes, afin de faire travailler les groupes d’assaut  avant même qu’ils n’aient posé un pied sur le bâtiment. L’objectif était de dispenser depuis Paris jusqu’aux opérateurs par le biais de petits terminaux vidéos la visite virtuelle du cheminement jusqu’au lieu de crise au sein du bâtiment. Le résultat s’est avéré probant, puisqu’aucun de nos hommes ne s’est perdu en ayant eu l’impression d’y être déjà monté. Le problème est que la mise au point d’un logiciel de ce type prend plus d’une semaine : nous avons donc demandé à Dassault Systèmes, en plus de la constitution en 3D de tous les sites sensibles qui existent en France et dont nous avons la responsabilité, de réaliser également en temps réel un site crise qui n’aurait pas été prévu et sur lequel nous serions amenés à intervenir. Nous disposerons ainsi en 2012 d’un logiciel convivial nous permettant de travailler sur de la 3D dans cet esprit, certes moins complexe que celui du ClubMed2, mais suffisant pour permettre de comprendre rapidement les contraintes potentielles. La numérisation 3D des sites va en revanche prendre davantage de temps.

A terme, ce que je souhaiterais est de bénéficier d’une salle de simulation, permettant de mettre au point un système d’immersion dans l’univers 3D de manière communautaire, c’est-à-dire que la virtualité de l’un se modifie au gré des actes des autres : nous en sommes encore au stade de la Recherche et développement, mais une telle interaction nous aiderait à résoudre la problématique de toutes les unités d’intervention qui est de travailler en groupe.

Crédit photo, SCG, ibid


« A terme, ce que je souhaiterais est de bénéficier d’une salle de simulation, permettant de mettre au point un système d’immersion dans l’univers 3D de manière communautaire, c’est-à-dire que la virtualité de l’un se modifie au gré des actes des autres : nous en sommes encore au stade de la Recherche et développement, mais une telle interaction nous aiderait à résoudre la problématique de toutes les unités d’intervention qui est de travailler en groupe. »


Un double grand écart

De par leur changement de configuration, les forces d’intervention de la police nationale rassemblée au sein de la FIPN font face à un double défi à la fois géographique et fonctionnel.

  1. Un grand écart géographique : le revers de la médaille de passer de deux cent à cinq cent personnes est qu’il faut savoir comment faire face à des crises se produisant très loin de nos bases. D’où la tenue en 2010 d’exercices majeurs dont le but était de tester nos capacités à la fois de montée en puissance, de coordination et de projection. Avant cette réforme, si en cas d’intervention du GIPN celui-ci était dépassé, le RAID venait à la rescousse, mais les délais de transport étaient très lourds, dans la mesure où il était nécessaire d’emmener du matériel spécifique au moment de la crise. Aujourd’hui, l’approche consiste à pré-positionner l’ensemble du matériel lourd en le disséminant partout en France auprès des GIPN. Le personnel est ce qu’il y a de plus facile à déployer, mais le matériel (véhicules blindés, échelles d’assaut, tenues de protection, boucliers lourds, etc.) s’avère très compliqués à projeter. Pré-positionner permet de raccourcir le délai de riposte, car le temps de transport constitue toujours dans toute crise un moment de faiblesse indéniable. L’analyse de la menace a conduit le Livre Blanc à inciter la gendarmerie et la police nationale à faire du pré positionnement au niveau matériel, mais aussi dans la mesure du possible en termes d’équipes préconstituées. Dans la mesure où il s’agit d’une menace qui n’arrive heureusement pas fréquemment, nous sommes confrontés à un problème de maintien en condition opérationnelle : former du personnel et maintenir du matériel pré-positionné reviennent cher et nous réfléchissons au moyen de limiter les coûts. Nous sommes ainsi en train d’étudier de quelle façon pré-positionner du matériel auprès d’unités déjà positionnées .
  2. Un grand écart fonctionnel : toute la complexité de notre métier réside dans le fait que, contrairement aux forces armées, nous n’avons pas de période d’osmose et de remontée en puissance pour partir en opération. Dans notre cas, il faut que le personnel se forme et se maintienne en condition sous la pression permanente de répondre en plus aux demandes qui sont quotidiennes : le RAID et la FIPN interviennent dans le cas de prises d’otages, mais également dans les banlieues en situation d’émeutes ou de crise extrêmement dure. De façon générale, la FIPN est engagée dès qu’il y a ouverture de feu sur les policiers ou les forces de l’ordre, comme ce fut notamment le cas à Grenoble, à Marseille, ou encore à la Guadeloupe. Nous intervenons pour deux missions : dégager les forces de l’ordre sous le feu, puis repérer les tireurs et les arrêter. La difficulté est d’interpeller vivant des individus qui nous tirent dessus, parfois pour provoquer une riposte sur leur personne donnant lieu au « suicide by cop ». Là où le grand écart devient quasiment « schizophrène » est qu’une unité comme le RAID  doit s’entraîner au quotidien par rapport à une menace par nature configurante comme l’hyper terrorisme. Il faut donc entretenir des matériels et maintenir la formation des personnels pour faire face à des situations extrêmement graves et complexes, et en même temps, il faut développer des savoir-faire en corrélation avec des crises de plus en plus basse intensité.

C’est là que réside à mon sens la plus grande difficulté en matière d’entraînement : je ne veux pas que quelqu’un de chez moi ait un mauvais réflexe sur une crise de très basse intensité ou, à l’inverse, qu’il fasse une impasse sur sa propre sécurité dans des crises très graves. C’est cet équilibre qu’il faut que nous trouvions systématiquement et il faut que nos hommes aient une gymnastique mentale qui leur permette de s’adapter rapidement et de passer de l’un à l’autre. Si en revanche, nous n’intervenions plus pour les crises de basse intensité en ne travaillions plus que sur l’exceptionnel, nous prendrions le risque de nous entraîner toute notre vie pour quelque chose sur lequel nous ne serions jamais éprouvés : ce serait alors le syndrome du Désert des Tartares qui nous guetterait…


Crédit photo : SCG, ibid


«Si nous n’intervenions plus pour les crises de basse intensité en ne travaillions plus que sur l’exceptionnel, nous prendrions le risque de nous entraîner toute notre vie pour quelque chose sur lequel nous ne serions jamais éprouvés : ce serait alors le syndrome du Désert des Tartares qui nous guetterait… »




[1] Cet article vient de paraître dans le dernier numéro de notre magazine Soutien Logistique Défense et sera prochainement publié dans son intégralité sur ce site.