Une analyse de Richard Weitz, Hudson Institute, Washington D.C. (USA)

Les Présidents russe, biélorusse et kazakh (crédit photo : http://fr.euronews.net/2011/11/18/vers-une-union-economique-eurasiatique/

 

07/12/2011 – Le Premier Ministre russe Vladimir Poutine a récemment invité les anciennes républiques soviétiques à se joindre à Moscou dans le but de créer  une Union Eurasiatique. Le projet actuel semble être celui d’ouvrir à d’autres membres l’Union Douanière déjà existante entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Une Union que la Russie s’efforce de consolider dans l’espoir de la rendre comparable à l’Union Européenne. Il est cependant peu probable que le dessein de Vladimir Poutine se concrétise en tout cas à court terme aux vues des obstacles rencontrés.

M. Poutine a initialement rendu publique sa proposition à propos de la création d’une Union Eurasiatique lors d’un article d’une rare ampleur paru dans le journal russe Izvzstia en octobre dernier. Selon l’idée du Premier Ministre, les anciennes républiques soviétiques devraient coordonner toutes leurs politiques, étrangères, économiques et autres – vraisemblablement sous le control de Moscou  – dans le but de renforcer leur influence globale – voire l’autorité même de Moscou.  D’après M. Poutine il n’y a pas dans ce projet l’idée de recréer l’Union Soviétique sous une autre forme, à ce propos il a déclaré qu’essayer de faire renaitre ou de copier quelque chose qui appartient au passé serait tout simplement naïf’. Néanmoins il a mis en évidence qu’une des exigences à l’heure actuelle est celle d’établir une intégration étroite fondée sur de nouvelles valeurs et de nouvelles bases politiques et économiques’. M. Poutine a incité à se baser sur l’expérience et les ressources laissées per l’Union Soviétique considérées comme ‘un héritage d’infrastructures, d’installations de production spécialisées et d’un espace linguistique, scientifique et culturel commun’ en gardant à l’esprit la quête des ‘intérêts communs’, laquelle avait caractérisé l’ancienne Union Soviétique. M. Poutine a continué en décrivant son objectif comme ‘l’ambitieuse tâche d’arriver à un nouveau et plus haut niveau d’intégration’ , en souhaitant en particulier  la création ‘d’une Union supranationale qui soit en mesure de devenir un des pôles du monde moderne’. Il a comparé le rôle de l’Union qu’il propose avec celui des  ‘autres acteurs principales et des  autres organisations régionales comme l’Union Européenne, les Etats Unis, la Chine et la Coopération Economique pour l’Asie-Pacifique (APEC)’.

Vladimir Poutine a proposé son projet juste après avoir rendu publique son intention de réintégrer la fonction de Président. Lors d’une déclaration à la presse dans le Kommersant, un autre journal russe très influent, le porte-parole de M. Poutine, Dmitry Peskov a indiqué l’Union Eurasiatique comme l’une des priorités de son prochain mandat présidentiel.

En avril 2005, lors d’un discours télévisé transmis dans tout le pays, M. Poutine avait qualifié l’écroulement de l’URSS comme une des plus grandes catastrophes géopolitique du XXème siècle. Pendant ses deux précédents mandats présidentiels, M. Poutine avait de fait estimé prioritaire le rétablissement de l’autorité de Moscou dans l’ancienne Union Soviétique : après avoir échoué dans l’effort de donner un nouvel essor à la Communauté des Etats Indépendants (CEI) créée en décembre 1991, il a mené une campagne importante pour  renforcer la collaboration entre les plus influents des gouvernements pro-russes. Cette campagne a eu des résultats très concrets dans le domaine de la sécurité vu qu’elle a porté à l’institution de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) signée en 1992 qui, sous la conduite d’un ancien général russe, a développé dans le temps des forces conjointes pour le maintien de la paix et en mesure d’avoir une capacité de réaction rapide dans le but de protéger les membres de l’organisation même de menaces de toutes sortes.

Parallèlement, du point de vue de l’économie, la manœuvre conduite par Vladimir Poutine a entraîné  la constitution de la Communauté Economique Eurasiatique (CEEA), organisation qui cherchait à créer des liens économiques et des échanges commerciaux entre les pays qui avaient formé un système économique uni pendant la période soviétique et cela à travers la réduction des tarifs douanières, des impôts, des droits de douane et la simplification d’autres procédures qui auraient pu rendre compliqués les échanges entre ces pays mêmes. Entre les objectifs principaux déclarés sont à noter la création d’une zone de libre échange, un tarif douanier conjoint et un système uniforme de réglementation de ces tarifs, d’une coordination des relations des pays membres avec l’Organisation Mondial du Commerce (OMC) et avec d’autres  organisations économiques internationales, l’institution d’une gestion commune du réseau  des transports et d’un marché commun de l’énergie, l’harmonisation du système de l’éducation et du système juridique au sein de la Communauté, et, enfin et surtout, la garantie d’un progrès du développement social, économique et scientifique des pays membres.

La Communauté Economique Eurasiatique (CEEA), comme l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) représentait, grâce au plus petit numéro des membres, tous par ailleurs bien disposés à l’égard du leadership de Moscou,  une alternative logique à la Communauté des Etats Indépendants (CEI), un système beaucoup plus lourd et controversé. Cependant les efforts de la CEEA pour arriver à  une réelle intégration perdirent leur vigueur et ne réussirent pas à mettre en place des organismes internationaux de réglementation efficaces. Un facteur très important qui a ultérieurement compliqué les procédures d’intégration  a été la divergecte des pays membres per rapport à l’OMC. En effet seuls le Kazakhstan, la Biélorussie et la Russie ont décidé de former l’actuelle Union Douanière.

La perspective de la création à court terme d’une Union Eurasiatique semble être très peu probable. Il a fallu plus ou moins dix ans à la Fédération de Russie pour mettre en place l’Union Douanière et cela avec l’adhésion uniquement de la Biélorussie et du Kazakhstan. L’espace économique commun établi par l’Union Douanière, espace qui introduit un marché et des réglementations communs, sera opérationnel seulement à partir du début de l’année prochaine. Une organisation plus ample et plus structurée surgissant dans un bref délai au sein de l’ancienne Union Soviétique et qui puisse être comparée à l’Union Européenne est sans doute difficile à imaginer.

La perspective de la création à court terme d’une Union Eurasiatique semble être très peu probable. Il a fallu plus ou moins dix ans à la Fédération de Russie pour mettre en place l’Union Douanière et cela avec l’adhésion uniquement de la Biélorussie et du Kazakhstan. L’espace économique commun établi par l’Union Douanière, espace qui introduit un marché et des réglementations communs, sera opérationnel seulement à partir du début de l’année prochaine.

Les différences de positions politiques entre les pays membres du CEI ont à plusieurs reprises sapé les chances de succès des institutions multinationales, soutenues par Moscou, au sein de l’ex-Union Soviétique. Un exemple de cette situation est le désaccord entre les anciennes Républiques Soviétiques à propos de l’établissement des prix adéquats pour l’énergie russe et sur les limitations de la Russie à la mobilité du travail. Les divergences d’opinion entre ses membres concernant les politiques économiques et les caractéristiques mêmes de l’organisation ont  eu comme conséquence à maintes reprises le report des projets pour une zone de libre échange. La preuve de cela est encore la période de dix ans qui a été nécessaire pour les négociations et la mise en place de l’Union Douanière entre Russie, Biélorussie et Kazakhstan. Beaucoup d’anciennes républiques soviétiques ont plus d’échanges commerciaux avec des pays européens ou asiatiques qu’entre elles mêmes. Les désaccords sont encore plus évidents si on parle de la tendance de certains pays membres, pas de tous, de se rapprocher d’organisations occidentales apparemment concurrentes comme l’Union Européenne ou l’OTAN. Il y quelques années, des vagues de mouvements révolutionnaires ont encore plus amplifié les divergences entre les systèmes politiques des états membres.

Si vraiment M. Poutine a à l’esprit le modèle européen pour la réalisation de son projet, cela implique la nécessité de créer une monnaie unique  et un système bureaucratique indépendant qui puisse avoir l’autorité d’appliquer et faire respecter les lois établies et la politique économique commune. Les procédures de passage d’une grande partie des pouvoirs vers les organisations de l’Union Européenne de Bruxelles et les pas nécessaires à l’harmonisation requise des distincts aspects politiques et juridiques nationaux ont duré des années. Les différents taux de croissance entre les pays et d’autres caractéristiques économiques propres à chacun seront surement des éléments perturbateurs dans le chemin de formation de l’Union Eurasiatique, exactement de la même façon dans laquelle ils ont agi sur l’Union Européenne. L’établissement d’une politique économique commune et d’autres systèmes de collaboration entre les pays de la zone devront sans doute tenir compte des antagonismes présents entre des anciennes républiques soviétiques en lutte pour le leadership dans la région, voir les rivalités entre Kazakhstan et Ouzbékistan.

En outre, l’Union Eurasiatique que M. Poutine a proposée se heurte à une dure compétition provenant des institutions multinationales existantes et actuellement actives dans l’ex-espace soviétique. Il est évident que l’Union Eurasiatique devra bien définir les relations avec ces dernières. Les deux concurrents les plus importants sont l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et l’Union Européenne (UE). Ni l’une ni l’autre n’est influencée par Moscou, ce qui est, du point de vue des ex-républiques soviétiques, une caractéristique très positive. Beaucoup d’autres anciennes républiques soviétiques désirent vivement développer leurs relations avec la Chine ou l’Occident dans le but d’établir un équilibre dans les liens avec Moscou. L’Organisation de Coopération de Shanghai, actuellement présidée par la Chine, continue à chercher d’étendre et de développer plusieurs activités, entre autres,  la sécurité et l’économie, dans les mêmes zones d’opération de l’Union Eurasiatique qui vient d’être proposée. Pendant ce temps-là l’Union Européenne a récemment renforcé son travail pour s’occuper des aspects économiques et sociaux des anciennes républiques soviétiques. L’adhésion complète n’est pas prévue, pourtant  l’Union Européenne peut considérablement  motiver les ex républiques soviétiques qui veulent entrer en collaboration avec elle et ses états membres par des moyens économiques et autres.

L’Union Eurasiatique que M. Poutine a proposée se heurte à une dure compétition provenant des institutions multinationales existantes et actuellement actives dans l’ex-espace soviétique. Il est évident que l’Union Eurasiatique devra bien définir les relations avec ces dernières. Les deux concurrents les plus importants sont l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et l’Union Européenne (UE).

Probablement  l’obstacle le plus sérieux et infranchissable est représenté par le grand nombre d’ex républiques soviétiques qui s’opposent à toute sorte de collaboration avec Moscou et à son influence vue la triste histoire de la domination soviétique et russe subie. Les anciennes républiques soviétiques, même celles dont les leaders initialement n’avait pas poursuivit l’indépendance, à l’heure actuelle sont convaincues du bien-fondé de sauvegarder leur autonomie et souveraineté. Bien que le Kazakhstan ait appuyé le projet de M. Poutine sur l’établissement de l’Union, les gouvernements de la Géorgie et de l’Ukraine ont déjà déclaré qu’ils n’ont aucune intention d’y participer. Malgré la pression exercée sur l’Ukraine par Vladimir Poutine  pour qu’elle entre comme membre dans l’Union Douanière, ce pays a jusqu’ici fait des gros efforts pour au contraire se rapprocher de l’Union Européenne. La Moldavie et la Géorgie sont aussi en train de négocier pour arriver à des accords de libre échange avec  l’Union Européenne et  l’Arménie et l’Azerbaïdjan pourraient bientôt les suivre.

Pour réussir à avoir raison de la tendance de certains états à s’éloigner d’elle et de ses projets, la Russie doit devenir un partenaire plus intéressant. Moscou pourrait recueillir plus de consentements envers ses desseins d’intégration en répartissant le pouvoir et l’influence au sein des institutions collectives et en adoptant une attitude plus conciliante lors de controverses avec les états voisins. La Russie doit évoluer  aussi en ce qui concerne la modernisation des structures et des institutions internes et arriver à mettre en place des reformes qui puissent en faire un partenaire attirant du point de vue économique, un partenaire en mesure d’opérer des échanges commerciaux avec ces pays  et de créer des investissements mutuels.

La Russie doit évoluer  aussi en ce qui concerne la modernisation des structures et des institutions internes et arriver à mettre en place des reformes qui puissent en faire un partenaire attirant du point de vue économique, un partenaire en mesure d’opérer des échanges commerciaux avec ces pays  et de créer des investissements mutuels.