Sans énergie – sous la forme de carburant liquide et d’électricité -, aucun fantassin, marin ou aviateur ne peut être projeté. Cet état de fait n’est pas nouveau, mais l’art de la guerre au XXIème siècle génère toujours plus de besoins dans ce domaine entraînant un accroissement du coût non seulement financier, mais également humain, de l’approvisionnement énergétique sur le champ de bataille. Aux États-Unis, cette thématique a toujours été source de débat quant à la meilleure méthodologie pour calculer le coût de ce dernier avec exactitude. Mais quelles que soient les estimations, deux conclusions sont indéniables :
(1) livrer le carburant sur le terrain est extrêmement onéreux.
(2) les pertes humaines relatives à cet effort sont inacceptables.
Le renforcement du blindage des véhicules MRAP (Mine Resistant Ambush-Protected), suite à l’augmentation des attaques par IED ou engins explosifs improvisés (responsables en Irak de 60% des décès de soldats américains), a à son tour incité l’ennemi à mettre au point des armes toujours plus puissantes accroissant davantage la vulnérabilité des logisticiens. Dès le milieu des années 2000, le Pentagone a pour cette raison cherché à développer des systèmes énergétiques alternatifs renforçant l’autonomie du combattant en opération et limitant la prise de risques des convois [1]. Ceci est également vrai pour l’eau, puisque le carburant et l’eau constituent la majorité des denrées acheminées au plus près des forces (jusqu’à 70% des approvisionnements selon certaines estimations américaines). La réponse est liée et tient dans la fabrication d’unités génératrices d’énergie alternative et de purification d’eau. C’est exactement ce qu’avait demandé, dès 2006, sous la forme de 183 systèmes d’énergie renouvelables, le Major General Richard Zilmer, lorsqu’il commandait le déploiement des Marines dans la région d’Al-Anbar : ces unités énergétiques devaient être faciles à transporter et résister à des environnements difficiles. Cette demande n’aboutit pas sous cette forme dans l’immédiat, mais différents programmes publics et privés ont depuis vu le jour, parmi lesquels :
– Le développement par l’USAF en partenariat avec Lockheed Martin Corporation et Sky Built Power d’un Integrated Smart-Bear Power System containérisé et susceptible de réduire la consommation de carburant traditionnel de 25%.
– La mise au point par la société ZeroBase Energy d’un système générateur d’électricité permettant d’avoir de la lumière et la capacité de recharger les équipements électroniques d’une part, de produire de l’eau potable si associé à une unité de purification d’eau d’autre part : ce système, dit ExFOB pour Expeditionary Forward Operating Base program a été testé par les Marines dans le cadres d’exercices militaires, tels qu’African Lion au Maroc : le système s’est révélé facile à déployer dans un environnement exigeant, moins polluant et générateur d’ économies en carburant classique.
– La poursuite des recherches dans le domaine des réacteurs nucléaires de petite puissance déployables : la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) a lancé un appel d’offre en 2010 pour identifier les technologies innovantes, mais celles-ci existent depuis longtemps et différentes pistes sont prometteuses, notamment en matière de miniaturisation, telles que les petites centrales nucléaires modulaires (SMR pour Small Modular Reactors) ou encore la pile nucléaire développée par Hyperion Power Generation. Ce qui manque est la capacité de tester et d’appliquer au secteur militaire ce qui existe déjà dans le secteur privé, sans avoir à continuer à dépenser l’argent public. Une initative ciblée et orientée vers des petites sociétés et des chercheurs plutôt que les compagnies s’inscrivant dans le processus traditionnel d’acquisition du Pentagone semble être la voie à suivre afin de générer une innovation “Les retombées en matière de gestion de crise, en cas de catastrophe naturelle, tant sur le sol national que dans n’importe quel coin du globe, sont également à mettre en avant, dans la mesure où ces nouvelles technologies vont dans le sens de la rapidité de réaction et de l’autonomie requises pour sauver des vies humaines dans ce genre de situation chaotique. Les retombées en matière de gestion de crise, en cas de catastrophe naturelle tant sur le sol national que dans n’importe quel coin du globe, sont également à mettre en avant, en ce sens que ces nouvelles technologies vont dans le sens de la rapidité de réaction et de l’autonomie requises pour sauver des vies humaines dans ce genre de situation chaotique.
Les retombées en matière de gestion de crise, en cas de catastrophe naturelle tant sur le sol national que dans n’importe quel coin du globe, sont également à mettre en avant, en ce sens que ces nouvelles technologies vont dans le sens de la rapidité de réaction et de l’autonomie requises pour sauver des vies humaines dans ce genre de situation chaotique.
Réduire les coûts énergétiques passe également par une moindre dépendance des principaux producteurs et exportateurs traditionnels : là encore dès 2006, le leadership de l’USAF, mais aussi ceux des armées de l’air française et britannique, ont cherché à développer un carburant aéronautique alternatif. C’est ainsi que le kérosène de synthèse (SPK pour Synthetic Parrafinic Kerosene) fut certifié en un temps record et à moindre coût. Les aléas économiques ne doivent pas ralentir les avancées déjà réalisées dans cette recherche d’énergies de substitution et un nouveau projet Manhattan sur l’énergie serait le bienvenu pour ne pas s’arrêter à mi-chemin d’une démarche se devant de respecter l’environnement et génératrice à terme d’indépendance et d’économies non seulement sur le champ de bataille, mais dans le domaine civil également.
William Anderson, ancien Assistant Secretary of the United States Air Force for Installations, Environment and Logistics et Senior Energy Executive (2005- 2008)
1) En 2010, un Marine était blessé tous les 50 convois en livrant eau et carburant en Afghanistan.