Par Aurélien François, stagiaire au CERPA – Le système franco-italien SAMP MAMBA : premiers pas d’une européanisation de la défense anti-aérienne ?

Depuis le début des années 2010, la défense antiaérienne du continent européen se construit autour de l’Alliance atlantique, avec les systèmes américains. Mais la France et l’Italie ont décidé de développer leur propre système, le Système sol-air de moyenne portée (SAMP), également appelé MAMBA (pour Moyen antibalistique).

Un système antiaérien européen
Le système de défense antiaérienne sol-air SAMP équipe l’armée de l’air française depuis 2010, ainsi que l’armée de terre italienne depuis 2012. Il est utilisé pour protéger les installations militaires ou les théâtres d’opération contre les missiles et les aéronefs ennemis. Géré au sein d’une section, ce système se compose principalement de quatre modules de lancement (quatre lanceurs montés sur camions, dotés de huit missiles chacun), d’un module radar, d’un module d’engagement et de deux modules de rechargement. Chaque section dispose ainsi de 48 missiles Aster 30 Block I. D’une portée maximale de 100km, ce missile supersonique peut atteindre une vitesse de Mach 4,5 en seulement trois secondes. Ce système aérotransportable peut être déployé très rapidement, et surveiller une zone sur un rayon de 120 kilomètres. Son concurrent, le Patriot, conçu par l’américain Raytheon, dispose de capacités analogues. Pourtant, le dispositif américain équipe toujours un plus grand nombre d’armées.

La France et l’Italie collaborent dans le développement et dans la conception de ce système par l’intermédiaire du consortium Eurosam. Créé en 1989, il regroupe les sociétés MBDA France et MBDA Italie pour la partie missile, et Thales Group pour les radars et pour les moyens de mise en oeuvre. En janvier 2016, le ministère de la Défense a chargé Eurosam de moderniser le SAMP, programme baptisé « Block 1 NT ». Il prévoit notamment le développement d’une nouvelle version du missile Aster, ainsi qu’une amélioration des capacités de lutte contre les missiles balistiques. En juin 2016, l’Italie a annoncé sa participation à ce programme de modernisation.

L’intégration au bouclier antimissiles otanien
Depuis 2010, l’Alliance atlantique développe un système de défense antimissiles balistiques, censé protéger à la fois le territoire de ses pays membres et les forces engagées sur un théâtre d’opération. Afin de construire ce bouclier antimissiles, différents systèmes sont mis en place par les États membres, en particulier par les États-Unis : missiles sol-air Patriot en Pologne ; Radar en Turquie ; destroyers Aegis de l’US Navy ; station Aegis Ashore composée de Radar et missiles SM-3 implantés en Roumanie.
De leur côté, la France et l’Italie emploient le SAMP d’Eurosam. Ce dispositif vient pleinement s’intégrer au système antimissiles de l’OTAN. En mars 2013, un exercice interalliés simulant la destruction d’un missile SCUD en interconnexion avec la chaîne de commandement de l’OTAN, a permis de prouver son interopérabilité. Dans le cadre de la mission de soutien de l’OTAN à la Turquie, l’armée italienne y a déployé un système MAMBA en juin 2016. Il est venu prendre la suite du système Patriot de l’armée allemande, chargé de sécuriser la frontière sud de la Turquie.

Le choix de la coopération bilatérale pour avancer en Europe
Le système d’Eurosam constitue le premier programme de défense antimissiles conçu en Europe. L’agence européenne OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) est responsable de la coopération franco-italienne dans le développement du SAMP.
Pour autant, le SAMP ne parvient pas à s’imposer au sein des armées européennes. Cette coopération repose sur un accord bilatéral, et non multilatéral, ralentissant de ce fait la diffusion du système au sein des forces européennes. En outre, certains États comme la Pologne choisissent de recourir à l’achat sur étagère auprès des Américains pour construire leur défense antimissiles. Un choix très politique, puisque Varsovie a toujours compté sur les États-Unis pour défendre ses intérêts face à sa voisine la Russie.
Le SAMP constitue une réussite indéniable en termes de coopération bilatérale de défense en Europe. Pour le moment cantonné à la France et l’Italie, la réussite de ses essais et l’annonce de la modernisation du système pourraient séduire certains États européens qui se sentent menacés par la prolifération des missiles balistiques dans le monde. Mais le principal verrou reste politique, et non technique, puisque certains États ne souhaitent pas se lancer dans des programmes à l’échelle européenne, de peur de créer une concurrence avec l’OTAN.

*** Ces propos ne reflètent que l’opinion de l’auteur >>> voir note du CERPA # 98

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