Par Linda Verhaeghe – Le « Métavers » fût au cœur du dernier colloque organisé par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC) de l’armée de Terre à l’Ecole militaire, à Paris, le 1er décembre 2022. Une approche prospective, dans la perspective de voir ce dernier constituer « un nouveau champ de bataille », en particulier dans le cadre de la guerre de l’information.
Contraction de « méta » et d’« univers », ce terme renvoie plus précisément à un espace augmenté sur internet, qui permettrait d’aller plus loin encore dans le développement des interactions humaines, dépassant toutes contraintes physiques au travers de cet environnement virtuel et immersif. Tel un monde parallèle, il deviendrait alors possible de faire des rencontres, d’assister à un concert, ou bien de participer à une conférence à l’autre bout du monde, tout comme d’y acheter des biens et des services, voire de s’y affronter…
Un nouvel univers qui fascine autant qu’il inquiète
Déjà annoncé comme la prochaine révolution de l’ère du numérique, le Métavers semble tout autant fasciner qu’inquiéter : car celui-ci pourrait en effet aussi être le lieu de conflits, qu’ils soient exportés du monde réel, ou inversement qui y naîtraient et s’exporteraient dans le monde réel, avec des conséquences bien concrètes. La frontière entre monde réel et monde virtuel tendrait ainsi à se réduire, voire à disparaître, avec de probables conséquences sécuritaires, comme l’a souligné David Nahon, Directeur innovation pour l’expérience immersive chez Dassault systèmes.
« Je crois beaucoup aux opérations dans le Métavers », a par ailleurs déclaré général de division Pierre-Joseph Givre, Directeur du CDEC, rappelant qu’en face, les terroristes ont su s’emparer d’internet et sauront en faire autant du Métavers, que ce soit pour mettre en place des centres d’entraînement virtuels, ou pour conduire des opérations à distance et en temps réel.
Le spectre d’une Métaguerre
Face à l’éventualité d’une Métaguerre dans le futur, le Métavers représente à l’évidence un enjeu multiple pour les Armées, en termes de risques (fuite de données…), ou de limites (problématiques liées au débit…), ainsi qu’un défi spécifique aux domaines du renseignement et de l’influence : pour le recueil d’informations et la lutte autour des perceptions visant à infléchir sur les comportements et les attitudes.
« La guerre est un fait social », a d’ailleurs rappelé le colonel Samir Yaker (photo ci-contre), chef du bureau Effets dans les champs immatériels au CDEC, citant la célèbre définition du stratège André Beaufre considérant que « la stratégie est une dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit ». Pour le colonel Yaker, « les opérations militaires en général et dans le Métavers en particulier doivent être pensées en termes de capital informationnel, de gains et de pertes potentiels, ayant de manière directe ou indirecte des conséquences sur la liberté d’action du chef ».
Le Métavers implique en outre des besoins pour les soldats, notamment en termes d’équipements qu’il faudra développer et intégrer (casques et lunettes de réalité virtuelle) et de formations. tandis qu’il constitue aussi une source d’opportunités pour les Armées, notamment de par son interconnectivité. L’impact en matière de recrutement fut à cet égard mis en avant le lieutenant-colonel Hubert de Quievrecourt, chef du bureau Marketing de recrutement à la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT).
Trois tables rondes sur les thèmes « Métavers, réalité ou fantasme », « le Métavers, espace de confrontations » et « Métavers militaire français, quelles potentialités » ont donc réuni des experts issus des grandes entreprises du numérique (Microsoft…) et de la défense (Dassault Systèmes…), ainsi que des experts venant du monde de la recherche (Agence de l’innovation de défense, CEA-Tech…), d’institutions publiques (DGnum…) et de l’armée de Terre (Emat, Ema Cyber, Dgris, Drhat), durant une matinée de débats fournis, retransmis en direct sur internet.
Photos © Linda Verhaeghe