[slidepress gallery=’diaporama-super-frelon’] Crédits photos : dernier vol du Super Frelon, Sandra Chenu-Godefroy, 30 avril 2010, BAN de Lanvéoc-Poulmic
Le crépuscule du SA 321G Super Frelon (photos 1 et 2) C’est le 30 avril 2010 que les quatre derniers Super Frelon de l’aéronavale ont effectué leur dernier vol opérationnel au-dessus de Brest et de la base de la 32F, située à Lanvouéoc-Ploumic, mettant ainsi fin à quarante-quatre ans de bons et loyaux services. Cet hélicoptère lourd, construit par Sud Aviation en collaboration avec Sikorsky et Fiat, avait effectué son premier vol en 1962 et avait été mis en service en 1966. La BAN Lanvouéoc-Ploumic accueillit ses quatre premiers Super Frelons en 1970, lesquels remplaçèrent alors les hélicoptères d’assaut Sikorsky HSS-1.
Début mai, les appareils 144, 160, 163 et 165 ont rejoint respectivement le musée de l’Air et de l’Espace au Bourget, le musée de Tradition de l’Aéronautique Navale de Rochefort, celui de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) de Dax et le Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine (CAEA) de Bordeaux.
La raison de cette mise en retraite : l’âge des appareils bien-entendu et un état de rupture capacitaire existant depuis déjà quelques années…
‹‹ Le poids-lourd des voilures tournantes françaises ›› : une capacité d’emport exceptionnelle (photo 3) Avec ses 6,7 tonnes à vide et une masse maximale de 13 T, le SA 321G fut le plus gros hélicoptère jamais construit en France et en Europe. Sa “distance franchissable [était] de 420 nautiques“. Il pouvait transporter jusqu’à 27 personnes ou 15 civières et pouvait emporter une charge de 4,5 T sous élingue. Cette capacité d’emport exceptionnelle le rendit particulièrement utile en matière de soutien logistique, puisqu’il était le seul à pouvoir transporter des rechanges particulièrement volumineuses de type moteurs d’avion. Il était aussi utilisé pour le ‹‹“transport sensible”, à savoir l’acheminement à bord des missiles nucléaires mis en œuvre par les Super Etendards›› [1]. Cette mission de transport opérationnel fut abandonné en 1993. Une modularité au niveau missions bien appréciée (photo 4) Les missions des Super Frelon de l’aéronavale furent nombreuses , puisqu’elles incluaient les missions de recherche et de secours et sauvetage en mer (SAR, pour ‹‹Search And Rescue››) , de sécurité maritime (SECMAR), mais aussi de transport de troupes et de charges, d’évacuation médicale, ainsi que des missions civiles de service public (telles que ‹‹ la police des pêches, la surveillance des approches maritimes, la lutte contre les pollutions et les trafics, l’assistance dans les situations de détresse›› [2]). Sur un total de 135.000 heures de vol en plus de quarante ans de service, 4 000 auront été consacrées exclusivement à la recherche et au sauvetage en mer. Ainsi que le rapporte Sandra Chenu-Godefroy, ‹‹Les belligous de la 32F se sont vus affecter les Super Frelon en 1970. Au fil des années, ce ne sont pas moins de 2150 personnes, en majorité des pêcheurs, qui ont été hélitreuillées à son bord dans le cadre des missions de Search And Rescue (SAR), le plus souvent dans des conditions météo déplorables, par mer agitée, de nuit…››. A noter que c’est en 1981, lors du remplacement des SA.321G par les Lynx pour les missions de lutte anti-sous-marine ASM (protection de la base sous-marine de l’île Longue), que la 32F, avec ses 92 marins dont 12 pilotes, est devenue exclusivement une flotille d’hélitransport et de sauvetage, puis à compter de 1993 une flotte dédiée aux missions de soutien spécifiques à la Bretagne, tous les Super Frelon étant regroupés en son sein à partir de 2001.
Le Super Frelon est ainsi connu pour ses missions de sauvetage spectaculaire (telles que celle du porte-conteneurs Britannique MSC Napoli en 2007 en liaison avec les Sea King de la Royal Navy) et auparavant son rôle dans les missions anti-pollution (telles celle liée au naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978), mais il a aussi été l’instrument du succès de nombre d’opérations au Liban en 1982 (opération Olifant), mais aussi pendant la première guerre du Golfe (opération Daguet en 1990 et 1991) et en ex-Yougoslavie de 1993 à 1995 (opération Balbuzard). Un pilotage de précision (photos 5 et 6) ‹‹Les pilotes d’hélicoptère se plaisent à dire qu’il y a deux catégories de pilotes « ceux qui ont volé sur le SF » et les autres… Parce que le pilotage du « bus » – comme ils aiment l’appeler – était à l’image de la machine: mécanique, rustique et monstrueux. De savants calculs étaient nécessaires avant chaque départ pour déterminer la quantité de carburant à emporter, un pilotage à l’ancienne qui ne tolérait aucune erreur et réputé particulièrement difficile››, relate l’auteur des photos ci-dessus. Le Super Frelon était considéré en avance sur son époque lors de sa mise en service et avait la particularité unique en Europe d’être tri-turbine (3 turbines Turbomecca IIIC 3 de 1.630 ch). Il pouvait grimper jusqu’à 10 000 pieds et disposait d’une autonomie de trois heures et demi, mais ses dimensions et l’accroissement de sa capacité d’emport à 13 tonnes en rendaient le pilotage délicat. Le site mer et marine note ainsi que :‹‹ L’aéronautique navale française, elle-même, perdra 10 de ses 29 Super Frelon, soit 6 en mer et 4 à terre. En tout, les crashs des machines tricolores feront plus de 20 morts.›› [3] En revanche, il avait une manœuvrabilité et une stabilité particulièrement appréciées des pilotes de l’aéronavale permettant la réussite des missions d’hélitreuillage – ne pouvant s’effectuer que manuellement – et le sauvetage de nombre de pêcheurs dans des conditions de tempête épiques. Trente heures de maintenance pour une heure de vol : un taux de disponibilité devenu problématique (photo 7) En 2008, il restait sept Super Frelon en service au sein de la 32F(dont un détaché à Hyères), dont le taux de disponibilité était au plus bas [4] et le coût de maintenance au plus haut, puisqu’en raison de l’âge de l’appareil, il fallait compter 30 heures/ homme de maintenance technique pour chaque heure de vol de l’appareil. La 32F s’est ainsi retrouvée en situation de rupture capacitaire : ‹‹En termes de maintenance, le Super Frelon pouvait compter sur des équipes techniques dont le savoir-faire a permis, jusqu’au bout, de maintenir un petit parc de machines opérationnel, même avec le vieillissement et le manque de pièces détachées. « Malgré une technologie datant des années 60, on arrivait au prix d’importants efforts de maintenance, à les maintenir en vol. Les mécanos avaient une grande proximité avec leurs machines, qu’ils vivaient comme de l’horlogerie », souligne le [Capitaine de frégate Hastings commandant la 32F]. En dépit de tous leurs efforts, les équipes de la 32 F ne sont, toutefois, pas parvenues à faire des miracles. En 2008, la flottille s’est retrouvée en situation de « rupture capacitaire », ne parvenant plus à disposer de suffisamment de Super Frelon pour tenir l’alerte opérationnelle et assurer, en parallèle, l’entraînement des équipages.››[5] Une relève assurée (dernière photo) : ‹‹ du tout mécanique au tout numérique ›› D’après certaines sources, le remplacement des Super Frelon (‹‹ mission SAR par les NH90NFH et mission Resco par les EC-725 AP ››) était initialement programmé dès 2005: il va donc intervenir six ans plus tard en 2011 avec le premier d’une série de 27 NH90 version navale prévu pour l’automne 2011, les EC225 assurant l’intérim , les deux appareils étant construits par EADS. Pour les pilotes de la 32F, le moment est historique, car ainsi que le rappelle le chef du détachement du Caracal, Yann Fagon, cité dans le Télégramme, ‹‹ du tout mécanique, on s’apprête à entrer dans l’ère du tout numérique. ›› ‹‹Depuis plus d’un an déjà la relève du Super est préparée à Lanvéoc par le biais d’un EC-725 Caracal détaché par l’armée de l’air et qui aura servi à préparer les équipages et les techniciens aux EC-225 chargés d’assurer la transition avec le NH-90. Dans la manœuvre, les techniciens auront gagné une maintenance moins fréquente (la visite qui était journalière sur le SF est hebdomadaire sur le Caracal) et les pilotes un appareil à la technologie de pointe, mais tous ont perdu cet appareil mythique et l’odeur des litres d’huile qui le faisaient voler, non sans une certaine tristesse : une page se tourne…>> conclut notre photographe. —————— Notes de bas de page [1] http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=113054 [2] http://www.defense.gouv.fr/marine/decouverte/equipements/aeronefs/super_frelon/ [3] http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=113054 [4] Ce taux aurait été de 15% d’après une brève publiée en 2008 par le blog Secret Défense [5] http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=113054 Références complémentaires- Nombre de publications en ligne ont rendu hommage au Super Frelon à l’occasion de ce dernier vol dans le ciel breton, en particulier :
http://www.arm-asso.fr/?p=5297&utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=le-bourdonnement-du-super-frelon (excellent dossier de fond et belles photos) http://www.letelegramme.com/ig/dossiers/super_frelon/super-frelon-le-baroud-d-honneur-a-brest-29-videos-03-05-2010-895832.php (bonne vidéo) http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=113082http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=113054 (excellent dossier historique) http://blog.museeairespace.fr/dernier-vol-du-super-frelon-sa-321-g-144/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Super_Frelon http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2010/05/quand-un-superfrelon-volait-au-glam.html http://blog.avionslegendaires.net/2010/04/le-dernier-vol-des-super-frelon-demain-a-brest/ http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2008/12/caracal-lanvoc.html
- Et bien sûr les dossiers mis à disposition sur le site du ministère de la défense :
http://www.defense.gouv.fr/marine/base/breves/ultime_vol_du_super_frelon http://www.defense.gouv.fr/marine/decouverte/equipements/aeronefs/super_frelon/ http://www.defense.gouv.fr/marine/decouverte/organisation/unites/aeronautique_navale/flottilles/flottille_32f ———- *** Posté le 20 mai 2010 *** Rédacteur : Murielle Delaporte ([email protected])