Crédit photo © Murielle Delaporte, Bamako, 19 avril 2013

Entretien avec le lieutenant-colonel Denis Caillaud Chef de l’appui au déploiement, 25e régiment du Génie de l’air

Initialement publié dans le Soutien Logistique Défense # 9 (printemps – été 2013)

Chaque régiment, chaque spécialité militaire a son histoire et ses tournants décisifs :  pour le SEA (service des essences des armées), la première guerre du Golfe fut ainsi le catalyseur de profonds changements ; pour le BATLOG (bataillon logistique), l’Afghanistan a été déterminant au niveau tactique, etc. Pour le 25e RGA (régiment du génie de l’air) – régiment de l’armée de Terre, 12 e régiment de l’arme du génie, employé par l’armée de l’air et gardien du plus ancien drapeau de l’armée de l’Air, à savoir celui de la 52 e demi-brigade d’aérostation -, c’est le Darfour qui a généré une mini-révolution – en l’occurrence l’allègement des modules d’intervention des Sapeurs – laquelle a directement porté ses fruits en contribuant à la fluidité de la manœuvre et au succès de Serval. C’est ce que nous explique le Lieutenant- Colonel Caillaud, issu de la Légion étrangère, récemment déployé au Liban et en Libye, et arrivé avec une quarantaine de PAX parmi tous les premiers au Mali afin de préparer l’accueil des troupes et des aéronefs. Une compétence rare et reconnue de par le monde qui fait que « le 25» sera parmi les derniers à partir bien au-delà de la fin de la saison des pluies à la demande expresse de l’ONU. La compétence majeure du 25 est le maintien en condition des pistes d’atterrissage, un métier nécessitant une reconnaissance et analyse du terrain, des outillages précis et une rigueur quotidienne, car à l’image des ondes créées lorsqu’un petit caillou heurte la surface de l’eau, ce petit caillou, précisément, aura littéralement un impact sur la capacité d’atterrir de tel avion et/ou le choix de ses hélices, qui aura à son tour un impact sur sa capacité d’emport, qui aura à son tour un impact sur la manœuvre , qui aura un impact sur le succès de l’opération… C’est au fond le grain de sable qui risque de tout faire échouer s’il n’est pas suffisamment bien pris en compte…

Une expertise unique, une excellence reconnue

L’armée de l’air couvre les avions, mais, fait moins connu, également les infrastructures, c’est-à-dire les capacités de travaux, de terrassement, etc. Sous ce que l’on appelle l’appui au déploiement, on trouve ainsi deux unités un peu atypiques et très complémentaires, lesquelles font partie du commandement du soutien des forces aériennes, et plus particulièrement de la brigade aérienne d’appui à la manœuvre aérienne (CSFA BAAMA) : le 25e régiment du Génie de l’air d’une part et le Groupement aérien d’appui aux opérations (GAAO) d’autre part. Le “25” fait tous les travaux horizontaux : terrassement, pose de béton, pose d’enrobé pour créer des pistes que nous sommes capables de faire de la production jusqu’à la pose. Le GAAO est complémentaire du 25 par le montage de structures verticales, à savoir tout ce qui va être posé sur le sol, tels que les pare-soleil des Mirage 2000, mais le montage d’un camp, la production d’énergie électrique, ou encore l’installation des réseaux d’eau entrent dans cette catégorie. Le CSFA et le GAAO sont tous les deux basés à Bordeaux et les trois compagnies du 25 sont respectivement basées à Istres, Avord et Mont de Marsan. Le 25 a également la particularité d’être le centre de formation nationale de tout le génie terre et air par délégation de l’École du génie d’Angers pour tout ce qui est capacité de travaux [1]. Le 25 est dans le déploiement, et non le stationnement pour lequel nous passons la main au SID. C’est ce que nous sommes de fait en train de faire, car nous sommes à l’heure actuelle en phase de transition et de transfert de travaux au SID…

Le 25e RGA a un peu aidé au début la partie terre à se déployer au niveau tentes, notamment 2013 jusqu’à ce que leurs spécialistes du BATLOG arrivent. Nous assurons par ailleurs la construction de plateformes pour le Service des essences des armées exigeant un nivellement du sol de façon à ce que leurs bacs souples soient à niveau zéro : l’inclinaison devant être de 0 %. Nous construisons par ailleurs des plateformes pour la partie vie et un dépôt de munitions interarmées à Bamako et à Gao, à la fois pour répondre aux normes pyrotechniques de sécurité actuelles et aussi en prévision de la saison des pluies. Ceci va nous permettre également de libérer la piste de la base aérienne de Bamako, où est situé le dépôt actuellement et qui sert habituellement à l’école de pilotage des Maliens [2]. À propos de la saison des pluies et d’une façon générale, les personnels ici sont habitués à une certaine rusticité et sont prévenus, mais nous commençons à creuser des tranchées afin de mettre hors d’eau le DETAIR avec un système d’évacuation. Il faut savoir que tout ce qui devait être mis hors d’eau, tous les matériels sensibles, ont déjà été mis hors d’eau, soit dans des KC20 de location, soit dans des SMD (structures militaires de commandement). Le renforcement des dispositifs de sécurité des sites fait également partie de nos missions. Nous avons ainsi réalisé tous les systèmes de protection et de défense sur Bamako, Gao et Tessalit : les bastion walls (ou gabions en français) sont arrivés de France et sont encore en cours d’acheminement, ce qui a donc nécessité une logistique importante. À Kidal, je vais voir ce que nous devons faire en termes de sécurité du site, mais seulement en “P2”, c’est-à-dire une fois que la piste est assurée et bonne.

Car notre spécificité principale est en effet le maintien en condition des pistes : nous sommes associés à une entrée en premier sur un théâtre où nous participons complètement à la manœuvre , à la mobilité de la manœuvre. Ici la mission du 25 était surtout une expertise de pistes, consistant à déployer des petites équipes de reconnaissances – de trois à six spécialistes idéalement – qui sont transportés par hélicoptères, avions ou d’autres moyens sur un terrain d’aviation qu’il s’agit d’analyser à partir d’un ensemble de mesures et de calculs, afin de savoir s’il est capable d’absorber les charges des avions. Étant souvent déployés en zone avant, nous sommes en armes et en frag et opérons sous la protection du COS (commandement des opérations spéciales) ou d’autres unités, dans le but de réaliser ces dossiers d’homologation qui vont autoriser ou non l’accès des avions sur le terrain en question. Cette décision est importante, en ce sens qu’elle a  un impact direct sur la manoeuvre. Vous avez un magnifique cas concret ici qui est Tessalit, en ce sens que Tessalit au départ n’acceptait pas la manoeuvre logistique au vu de notre premier compte rendu. Au début de l’opération, les avions ont donc fait du largage comme à Tombouctou, car ils ne pouvaient pas atterrir. De notre côté, après une reconnaissance de risque, nous avons atterri avec  une petite équipe et des moyens aérotransportables et nous avons travaillé très rapidement et de façon très rustique pour réparer et agrandir la piste.

Notre action a permis le déclenchement de toute la manœuvre logistique qui a suivi et a donc eu un impact direct sur le déploiement dans le nord du Mali. Étant arrivés sur le théâtre à la mi-janvier, nous étions déployés  à Tessalit mi-février et nous avons pu accomplir le travail de réparation et d’agrandissement nécessaire en trois jours et nuits : j’avais mis un challenge aux hommes ! Nous avons ensuite travaillé en dégradé, c’est-à-dire que nous faisions atterrir et réparions au fur et à mesure des posers. Une équipe est restée là-bas pour entretenir la piste tous les jours jusqu’à la fin de la saison d pluies. Vous avez une capacité un peu plus lourde sur Gao, qui a une particularité différente, car la piste est en dur et nécessite un travail de réparation différent de pontage de fissures pour maintenir en état une piste qui s’est fortement dégradée et pour la garder opérationnelle. Au niveau matériau, si nous retouchons des pistes en latérite, nous créons immédiatement nos propres carrières. Pour les pistes en dur, autant à Bamako, nous avons des capacités en local suffisantes, autant à Gao, ce n’est pas le cas. J’ai donc été obligé de faire venir de France un produit spécial que l’on ne trouve pas sur le théâtre pour faire ces pontages de fissure : il arrive ainsi par tonnes par Antonov, C17 et C160, puis est transporté sur Gao par Transall, Hercules ou Casa, car la piste n’accepte rien d’autre.

Nous sommes indépendants en termes de transport terrestre : nous avons nos propres attelages renforcés par le BATLOG au niveau protection, mais nous voyageons aussi en hélicoptère du GAM (groupement aéromobile), en Pilatus, en C160. Ce sont des spécialistes du 3e RIMA, du BATLOG avec 3 ou 4 blindés. Mais nous sommes entraînés aussi avec armement individuel et collectif. Le 25 a aussi une capacité EOD (je suis moi-même officier EOD). De fait, le 25e RGA, tout comme le GAAO, a une double appartenance, en faisant partie de la cellule J-ENG commandée par le lieutenant-colonel L., qui lui traite beaucoup d’IED [3]

Cette expertise de réparation de pistes est donc notre raison d’être ici au Mali : nous avons fait 11 reconnaissances et homologué 11 terrains et nous tenons actuellement trois sites : Bamako, Gao et Tessalit tandis que je suis en cours de déploiement sur Kidal. Par deux fois, l’ONU est venu en délégation au Mali – des interlocuteurs que je connais bien pour avoir déjà travaillé avec eux au Darfour – et se sert de nos dossiers comme point de référence. La délégation de l’ONU a en effet confirmé et validé toutes les homologations réalisées par le 25e RGA et est en train de solliciter la France pour maintenir notre présence, car elle ne dispose pas d’une capacité propre pour maintenir en l’état ces pistes, et ne peut l’externaliser car cela n’existe pas. C’est une véritable lacune en Afrique, car nombreuses sont les pistes en latérite, mais les Africains ne sont pas formés pour ce maintien en condition.

C’est un besoin énorme et, au Darfour, nous avions formé quelques Cambodgiens. C’est la raison pour laquelle le 25 est maintenu jusqu’à la fin de la saison des pluies, voire peut-être plus tard, jusqu’à ce que l’ONU ait une capacité compatible avec la manoeuvre suivante. Seules quelques nations ont cette capacité : les Américains, les Anglais et les Allemands.

D’ailleurs sur le dossier A400M qui 2013 traite des atterrissages en terrain sommaire, les Anglais, les Allemands et les Français travaillent en commun sur les capacités de l’avion à atterrir sur des pistes souples, (en latérite, en terre ou en herbe). Certaines fragilités de l’appareil sont en train d’être résolues pour qu’il puisse atterrir comme un Transall : certains points doivent être renforcés en raison des projections de cailloux.

Au cœur de Serval, au cœur du DETAIR

Notre effectif est assez faible par rapport à la mission : nous étions au départ 47 PAX répartis entre Gao, Tessalit et Bamako. Avec la relève qui arrive, les effectifs vont être diminués d’une dizaine de personnes. Nous avons innové ici en créant des petits modules de quatre ou cinq personnes avec leurs matériels associés. Nous avons ainsi allégé notre parc depuis plusieurs années de façon à avoir un volume plus intéressant : nous avons miniaturisé, modernisés, le Darfour ayant été le déclencheur de ce réel effort d’allégement de nos modules. Nos sapeurs ont une grande polyvalence de savoir-faire : un enginiste sait aussi prendre des mesures de portance de dégagement sur un terrain. Nous essayons aussi de multiplier les compétences au sein d’un même personnel. Cet allègement de matériel nous a permis de nous déployer plus rapidement et dans cette manœuvre Serval pour laquelle on n’a rarement vu une mobilité aussi forte avec des élongations très importantes, nous avons été efficaces et nous sommes parfaitement inscrits dans la cohérence de la manœuvre , ce que nous n’aurions pas pu faire avant le Darfour.

En termes de moyens, nous avons besoin de tracteurs niveleurs (bulldozers), ainsi que de compacteurs qui sont très lourds. Nous avons créé de toutes pièces un engin qui s’appelle le Speedy Graver qui rassemble les compétences d’un petit chargeur et d’une niveleuse – la niveleuse est l’engin du génie le plus délicat, le plus sensible et qui nécessite la plus grande compétence. Il faut être très précis, car nous travaillons souvent au laser. Cet engin est né de l’imagination d’un sous-officier de Bordeaux et les industriels se sont passionnés pour le fabriquer non seulement pour nous,  mais aussi dans le domaine civil où le besoin était le même : Caterpillar l’a ainsi commercialisé sous le nom du 908H… Voici un engin qui s’est révélé pour cette manœuvre extrêmement bien adapté.

Au niveau des équipes, si on prend l’exemple de Tessalit déjà évoqué, il faut pour entretenir une piste latérite, 5 hommes et 4 engins qui forment des blocs complémentaires, soit une arroseuse, une benne aérotransportable, un compacteur, et le 908 (speedy graver). Il faut repasser tous les jours avec cet engin 908 : il faut travailler avec précision pour enlever la surface sans “taper dans la structure”, car si on la modifie, il faudra refaire tous les calculs en fonction des avions. Tessalit a deux bosses embêtantes pour les Hercules en raison de son train d’atterrissage et qui les contraignent à diminuer leur capacité d’emport : c’est un dilemme, car si je les enlève, j’attaque la structure porteuse, dans la mesure où je tombe sur du sable et l’effet serait catastrophique…

L’eau est également pour nous un gros problème notamment à Tessalit : il a fallu accepter les contraintes tactiques de la gestion de l’eau pour pouvoir travailler, car  il fallait chercher au seau l’eau des puits au début : ce fut un retour en arrière, car la piste en dur de Tessalit, aujourd’hui inutilisable par manque d’entretien, avait été construite par le génie de l’air en 1957. Avant mon départ, les anciens m’ont contacté et m’ont envoyé des photos en noir et blanc de l’époque de la construction de cette piste en dur, d’où une certaine émotion par rapport aux anciens en découvrant le puit, le bâtiment et la piste que ce même régiment avait construits.

Ce travail est assez technique et nous avons de ce fait un lien très étroit avec les pilotes avec lesquels nous discutons dès leurs retours de Kidal, Ménaka ou Tessalit pour évaluer l’impact sur eux et les avions et retravailler : nous sommes en échange permanent. Repasser une fois par jour sur les pistes est le minimum, car quand vous avez 4 ou 5 atterrissages, où le pilote va freiner un peu brutalement, non seulement il y a risque de crevaison en raison de caillou sous-jacent, mais cela crée aussi des ornières qu’il faut combler. Il y a eu beaucoup de crevaisons sur la piste en dur au début, car la manoeuvre a nécessité d’atterrir aussi sur la piste en dur. Mais depuis février où nous n’utilisons que la  piste en latérite, nous n’avons eu qu’une seule crevaison. Nous devons donc étudier le diamètre, mais aussi la structure du caillou : s’il fait 2,5 centimètres mais que son angularité n’est pas trop importante, cela peut passer, ce qui ne sera pas le cas d’un caillou de 1 cm avec une angularité trop prononcée. C’était le cas du Darfour et aussi de l’Afghanistan. Ceci aura également un impact sur le choix des hélices des avions – en carbone ou non – en fonction de la structure des cailloux. Ici il vaut mieux qu’elles ne soient pas en carbone, ce qui ajoute du poids et donc sur le chargement. Les chasseurs sont très sensibles aux petits cailloux : ils n’acceptent rien en raison de leur réacteur et c’est pour cela qu’à Bamako, nous passons une balayeuse roulante tous les jours sur les parkings et les taxiways. C’est pareil pour les ATS (avions de transport stratégiques), que nous ne pouvons pas accepter à Gao, bien que la piste soit prévue pour cela, moins en raison de leur portance que du délitement du bitume, qui rentre dans les réacteurs et les détruit. La taille et l’angularité des cailloux font partie de nos unités de mesure : nous allons ainsi mesurer les grosseurs de cailloux sur toute une piste, ce qui représente comme vous l’imaginez, un travail considérable, et suivant le type d’avion, vous avez un diamètre acceptable ou non : le CASA n’accepte pas la même chose en caillou que le Transall, lequel accepte plus en taille de caillou, mais moins en portance de sol. Les paramètres à prendre en compte sont nombreux, tels que la longueur et la largeur de piste : la longueur de piste idéale que l’on recherche pour un ATT est mille mètres, même si on peut descendre en manoeuvre opérationnelle (les CASA peuvent descendre jusqu’à 800 mètres en longueur de piste) ; mais bien évidemment cela impacte sur le chargement de l’avion, car plus vous êtes chargés, plus vous avez besoin de longueur de piste. Donc si vous ne pouvez pas charger votre avion, vous ne répondez pas non plus aux besoins logistiques de la manœuvre.

Nous sommes très heureux, car c’est la première fois que nous nous retrouvons sur un même DETAIR avec les pilotes C160 et les pilotes chasse, et nous avons avec eux des échanges extraordinaires, ainsi qu’avec le chef du soutien technique, le lieutenant-colonel B. : nous avançons ainsi beaucoup techniquement, notamment au niveau des matériaux. C’est l’avantage d’être tous sur le même lieu. Nous échangeons les informations en direct et en boucle courte et prenons des actions qui impactent immédiatement la manoeuvre. Le 25 a donc un impact réel sur la tactique : en termes d’OPA (opérations aéroportées), mais aussi en termes de capacité d’emport pour la manœuvre logistique, car si la cargaison est larguée il faudra aller la récupérer, tandis que de son volume dépend bien entendu la capacité à durer.

Nous avons dû envoyer un certain nombre d’équipes de reconnaissance dans le Nord et nous avons eu quelques frayeurs : j’avais notamment envoyé le lieutenant G. en reconnaissance terrain sommaire à Dogofi sous la protection du 3e RIMA ; il s’y trouvait lorsqu’un hélicoptère Mi24 s’est écrasé à 150 mètres de lui… Nous sommes ainsi en train de développer un nouveau concept d’utilisation de photos satellitaires pour obtenir la planimétrie d’un terrain : la photo satellitaire permet de calculer les pentes et les dégagements du terrain, la seule donnée manquante étant alors la portance, ce qui fait que la reconnaissance terrain semble incontournable. Mais on peut en continuant à faire des tests évaluer la marge d’erreur entre données satellitaires et réalités terrain. C’est Serval qui a permis de développer cette idée. À Kidal, la piste a été  très utilisée et très abîmée, car les pistes en latérite s’abîment naturellement et sont prévues pour un atterrissage occasionnel, dans une manoeuvre comme cela c’était 4 à 5 atterrissages par jour avec des avions chargés au maximum. Au bout de deux mois cette piste est donc très abîmée et nous allons la réparer, voire la maintenir comme à Tessalit si on reste sur place. Et on fera un peu de protection défense. J’ai aussi des éléments de Gao qui vont partir sur Niamey pour des travaux. À Ménaka, c’est en suspens car la piste est acceptable et à Tombouctou, c’est une piste en dur qui est bonne avec juste un cratère en bout de piste à réparer, mais qui n’empêche pas son utilisation pour certains types d’avions. À Tombouctou, le problème avait été lié à des obstacles sur la piste que le 17e RGP avait donc dû dégager, car le 17e RGP a vocation à entrer en premier et ils sont plus rapides que nous. Ils sont parachutés (avec leurs bulldozers), ils dégagent la piste et commencent à réparer, puis nous arrivons pour des réparations un peu plus pérennes. Nous ne sommes pas parachutables et nos matériels ne sont pas aérolargables. Nous  sommes donc complémentaires et nous l’avons été sur Tombouctou et sur Tessalit. Serval a montré toute cette complémentarité de moyens. Nous ne nous entraînons pas ensemble, mais nous avons beaucoup d’échanges, de réunions et c’est amusant parce qu’en fin d’année, nous avions organisé une grande réunion sur les réparations de pistes en terrains sommaires en convenant de certaines répartitions de tâches entre nous et un mois après nous le mettions complètement en application…

L’avenir est vers une plus grande normalisation, de façon à opérer au mieux au sein de coalitions telles que celle qui s’est formée pour Serval : j’avais par exemple un tracteur niveleur à déployer sur Kidal par un C130 danois qui n’a pas voulu prendre le risque, c’est donc un C130 français qui l’a emporté. Un C130 danois est en effet plus compliqué qu’un C130 français, car nous avons des fiches matériels avec des points d’ancrage prévus selon le type d’avions pour le chargement : il y a donc des problèmes d’essieux, de poids, de taille. Il nous faut donc faire reconnaître ces fiches de  chargement françaises auprès du Danemark, de la Belgique. Il est donc important d’internationaliser toute notre documentation et d’entrer dans un concept otanien pour que ce soit normalisé. Il existe déjà beaucoup de STANAGs dans notre domaine et nous essayons de normer tout cela, notamment le balisage et le marquage de pistes. Nous avons en effet beaucoup d’échanges avec l’OTAN et nous avons des groupes de travail sur les réparations rapides de piste et la reconnaissance terrain sommaire, ce qui prend tout son sens à l’heure de Serval.

Le “25” est en conclusion une unité un peu éclatée, car elle est de toutes les opérations. Le temps de construction d’une piste est variable et peut en effet prendre jusqu’à une année. Nous sommes par exemple à Douchanbé depuis des années et nous refaisons des bretelles, des taxiways et des pistes. Certains personnels actuellement au Mali reviennent de fait de Douchanbé après 7 mois de rotation en raison du manque d’effectifs. Cette année est particulièrement riche, car en plus du Mali et de Douchanbé, le régiment doit aller au Gabon et au Tchad.