RETEX SOFINS 2025  : un point sur les conférences organisées par l’état-major du commandement des opérations spéciales (COS)

La 7ème édition du SOFINS qui s’est tenue sur le camp de Souge du 1 au 3 avril derniers, a accueilli une série de conférences organisée par l’état-major du COS et des commandements d’armées qui lui sont rattachés (brigade des forces spéciales air -BFSA, commandement des actions spéciales terre -CAST, force maritime des fusiliers marins et commandos -FORFUSCO, 1ère chefferie du service de santé des armées pour les forces spéciales -CSS1).

Ces dernières ont porté sur de très nombreux sujets allant de la place des opérations spéciales dans la haute intensité, en passant par les enjeux de l’externalisation en zone grise militarisée, la place de l’intelligence artificielle dans la conflictualité de demain, les conséquences pour les opérateurs des forces spéciales (FS) de l’avènement d’interventions menées dans des conditions climatiques extrêmes, les enjeux associés à l’usage intensif de drones, ainsi que les conséquences du retour de la haute intensité pour la chaîne santé et les composantes de milieu terrestre et maritime.

Différentes personnalités – militaires et civils – sont ainsi intervenu dans ce cadre : commandeurs, décideurs, opérateurs et médecins issus de la communauté des opérations spéciales ou d’entités de premier ordre du ministère des armées et de l’OTAN (centre expert du commandement interarmées -CECIA, Agence pour l’innovation de défense -AID, Service de santé des armées, structure Otaniennes,), mais aussi chercheurs issus de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), de l’Institut français des relations internationales (IFRI) et de l’Université de technologie de Troyes (UTT).

 

Les FS, filles de la HI

L’esprit d’innovation et la recherche d’adaptation aux nouveaux enjeux induits pour les opérations spéciales (OS) par le retour de la guerre de haute intensité (HI) ont été les fils directeurs de l’ensemble desdites conférences. Elles ont été notamment l’occasion de rappeler que les OS sont historiquement nées de la HI, comme par exemple la création des célèbres SAS Britanniques : pour rappel, le Special Air Service (SAS) était en effet une unité de forces spéciales des forces armées britanniques, mise au point en 1941 en Égypte par le lieutenant David Stirling. Cette unité s’est fait connaître pendant la Seconde Guerre mondiale en se livrant à des raids audacieux menés sur les arrières des lignes allemandes en Afrique du Nord. Dissoute à la fin de la guerre, l’unité fut recréée au Royaume-Uni en 1947. Elle est considérée comme l’une des références mondiales en matière de forces spéciales et d’unité de contre-terrorisme. A noter que durant la Seconde Guerre mondiale les régiments SAS étaient placés sous le commandement d’officiers français.

Les OS ont en un sens été le précurseur de l’approche dite multi-milieux multi-champs dans les armées, la conflictualité moderne s’inscrivant à l’heure actuelle dans de multiples milieux et champs, interconnectés les uns aux autres : milieux terrestre, maritime, aérien, mais aussi extra-atmosphérique et cyber ainsi que dans les champs informationnel et électromagnétique, c’est que l’on nomme le M2MC.

S’inscrire dans la manœuvre globale HEM

L’un des enjeux majeurs pour les FS d’aujourd’hui et de demain réside dans le fait de travailler en complément de la manœuvre globale conduite par les forces conventionnelles dans le cadre de l’hypothèse d’un engagement majeur (HEM) pour les armées françaises. En ce sens, le retour de la HI conduit nécessairement le COS à agir autrement qu’à l’époque de l’asymétrie et du contre-terrorisme ayant dominé les vingt dernières années.

L’hypothèse d’un engagement majeur conduirait donc les FS à proposer des modes opératoires à différents niveaux ainsi qu’à différent moments de la conduite des hostilités. Dans un contexte d’engagement majeur, les FS pourraient être amenées à agir en amont de la HI dans cette zone d’incertitude que l’on nomme aujourd’hui la zone grise militarisée (ZGM[1]) en proposant des effets qui permettraient de prendre l’ascendant sur le ou les compétiteurs stratégiques. Puis d’agir de manière intégrée et combinée avec les forces armées conventionnelles lors de la conduite des hostilités.

En ce qui concerne les commandos marine de la FORFUSCO, chaque bâtiment de la marine nationale constitue déjà une plateforme potentielle pour les opérations spéciales, en particulier dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants (NARCOPS[2]). Une généralisation de ce modus operandi permettrait de fait à l’état-major des armées (EMA) de renforcer encore davantage la capacité d’action de la mer vers la terre pour les armées françaises.


Confronter l’extrême

La confrontation à des milieux réputés extrêmes ou difficiles est aussi un sujet majeur de préoccupation pour les FS. Que l’on parle de jungle, de haute montagne, de zone de grand froid ou de zone désertique, l’adaptation des opérateurs et du matériel aux milieux abrasifs et au réchauffement climatique est d’ores et déjà un sujet d’attention et de préoccupation majeure[3]. Ecoles de rigueur, de rusticité et de résilience, le combat en milieu extrême implique une préparation particulière pour l’opérateur des FS, préparation à la fois physique, psychologique et technologique.

La question de la gestion du stress aussi bien que celle de la santé (éviter l’hypothermie par exemple) aussi bien que celle de l’approvisionnement ou du maintien des liaisons et moyens de communication sont au cœur des enjeux de la conflictualité de demain dans ces milieux où l’humain et le matériel sont soumis à très rudes épreuves. C’est tout autant la préparation physique des opérateurs que le renouveau de leur équipement matériel qui est ici sollicité. Afin de permettre la mise en œuvre de certaines technologies de rupture la recherche duale (civilo-militaire) doit ici être fortement sollicitée afin de permettre le développement de nouvelles solutions.

 

Favoriser le recours aux technologies disruptives

Enfin, la question de l’usage des drones ainsi que celle de l’intelligence artificielle fut au cœur de toutes les attentions lors des différentes tables rondes tant ces deux vecteurs technologiques s’imposent comme de véritables Game Changer opérationnels ainsi que le prouvent les retours d’expériences de l’actuel conflit russo-ukrainien. Comment par exemple permettre un ciblage de qualité en zone aérienne saturée ou continuer de permettre la furtivité en infiltration ou en exfiltration ? Comment parvenir à démarquer des véhicules ? Comment parvenir à leurrer l’ennemi dans un champ de bataille numérisé et quadrillé par des moyens technologiques de plus en plus puissants ? Autant de questions qui constituent les enjeux de la guerre de demain et qui sont déjà des pistes de recherche pour mettre au point des solutions innovantes pour les forces spéciales.


Seuil de renouvellement organique RH : s’inscrire dans la durée

Enfin la question de la capacité à durer s’est également trouvée au cœur des débats. Là encore, la question des ressources humaines et du seuil de renouvellement organique constitue un défi majeur de la haute intensité pour les OS. Le maintien d’un vivier d’opérateurs de très haute qualité dans l’armée d’active, ainsi que la montée en puissance d’une réserve opérationnelle choisie, composée de compléments individuels à haute valeur ajoutée, s’imposent là aussi, à l’instar de l’ensemble des forces conventionnelles, comme un axe d’effort pour le monde des forces spéciales.

 

Notes :

[1] Sur cette question lire : Christophe Prazuck, En deçà de la guerre, au-delà de la paix : les zones grises, revue de défense nationale, n°828, 2020 ; Laurent Bansept, Le retour de la haute intensité en Ukraine, Quels enseignements pour les forces terrestres ?, études de l’IFRI n°111 ; Romain Petit, Spécial trente ans du COS : FS et ZGM, Opérationnels SLDS, mai 2022 (https://operationnels.com/2022/05/23/special-30-ans-du-cos-fs-et-sgm/).

[2] Sur ce sujet lire : Le narcotrafic maritime : une menace stratégique en mutation, sur le site https://www.defense.gouv.fr/cesm/actualites/narcotrafic-maritime-menace-strategique-mutation; ou : Narcotrafic: les commandos, “dernier rempart” en mer contre la cocaïne, www.france24.com/fr/info-en-continu/20250115-narcotrafic-les-commandos-dernier-rempart-en-mer-contre-la-coca

[3] Sur ces questions voir par exemple les travaux menés par l’équipe de Julia Tasse de l’IRIS, ainsi que les études menées par le Human Adaptation Institut de Christian Clot. 

 

Photo :  démo FS lors du dernier SOFINS 2025 © SOFINS, 2025