(Par Murielle Delaporte) – Organisation du travail dans le secteur de la défense : le Covid-19, accélérateur de tendances ? Secteur considéré critique, les industriels de la défense doivent poursuivre leur travail dans un environnement pour le moins particulier.

Si ces professions requièrent traditionnellement pour la plupart des personnels des équipements de protection individuelle – visières, lunettes, gants – tous adaptés à la menace virologique actuelle, il est parfois compliqué de respecter les mesures de distanciation sociale préconisées lorsque l’espace est limité ou lorsque le travail ne peut se faire autrement qu’en tandem.

Au-delà de la réorganisation des horaires permettant d’étaler sur vingt-quatre heures le roulement d’équipes de jour et d’équipes de nuit et donc de limiter les contacts, nombreux sont les industriels de défense qui font en ce moment, partout dans le monde, preuve d’imagination pour essayer de conserver la cadence requise pour assurer la disponibilité des forces ou la livraison de nouveaux équipements.

Au chantier naval de Newport News, aux Etats-Unis, où le porte-avion USS Entreprise (CVN-80), troisième de la classe Gérald Ford, est en cours de construction depuis trois ans pour une livraison prévue en 2027, les efforts portent par exemple sur la prioritarisation des tâches avec l’espoir que les délais et les surcoûts pourront être maîtrisés.  Le fait que le bâtiment en question soit le premier porte-avion entièrement numérisé constitue en l’occurrence un avantage majeur, car, une fois l’investissement réalisé au niveau bandes passantes et communication, une bonne partie du travail de conception, finances, etc peut être aisément réalisée sous forme de télétravail.  Sur 25 000 employés, seuls 16 à 18 000 ont ainsi vraiment besoin d’être physiquement présents sur le chantier, d’après Lucas Hicks, vice-président des nouveaux programmes  de porte-avions au sein de Newport News shipbuilding[1].

Mais là où l’innovation est manifeste concerne le « ré-ingénieering » des espaces de travail devant accueillir plus d’une personne à la fois : agrandir ces derniers notamment en ajoutant des tentes est une première option, mais si cela n’est pas possible l’utilisation d’extension prévue sur certains outillages pour d’autres emplois (type broyeurs devant traiter des endroits difficiles d’accès) devient la norme en mode pandémie.

Autre solution : une manière de travailler différente alternant temps de travail et temps d’inspection. Plus lente, mais plus sûre…

Certaines technologies déjà considérées prometteuses pour des raisons de manque de personnels dans le domaine du maintien en condition opérationnelle pourraient aussi être appelées à la rescousse, qu’il s’agisse de l’impression 3D ou encore des mini-drones d’inspection. A Newport News toujours, l’usage de la GoPro et d’assistance vidéo commence de fait à prendre ses marques depuis l’entrée en confinement voici déjà un mois.

Un des impacts positifs de cette crise pourrait donc porter sur au moins quatre aspects :

  1. L’accélération de l’emploi de nouvelles technologies de rupture ;
  2. Une transition numérique “en immersion” rendue très concrète par la force des choses ;
  3. Une nouvelle organisation du travail ;
  4. Une remise à plat de la « supply chain » avec une relocalisation de proximité bénéfique pour l’économie du pays.

 

[1] Cité dans : Mega Eckstein, How to Keep Social Distance When Building a Warship, US Naval Institute online news >>> https://news.usni.org/2020/04/07/how-to-keep-social-distance-when-building-a-warship?

Photo © Newport News Shipbuilding Photo, telle que publiée dans ibid