Gusto © Frédéric Debruyne

Par Daphné Desrosiers –  Un meeting de haut vol placé sous la thématique de la Guerre du Pacifique1

Avec seulement quelques séances d’entraînement, les pilotes des deux Mirage 2000 des Gusto ont démontré leur grand professionnalisme. Un show exceptionnel à la hauteur de la célébration de leurs quatre-vingts ans de l’escadron de chasse (EC) 2/5 Île de France qui a eu lieu le 14 octobre dernier sur la BA d’Orange-Caritat dans la foulee du meeting de Melun Villaroche.

Diaporama  © Frédéric Debruyne

L’EC 2/5 Ile de France à l’honneur : de Melun Villaroche ….
Ces avions mythiques par leur voilure enchaînent les passages à grande vitesse (plus de 1100 Km/h), break tactique ou passage à l’anglaise en laissant des étoiles pleins les yeux des spectateurs. Le Général de Brigade aérienne, Julien Sabéné, directeur du Centre d’Études Spatiales et Stratégiques (CESA) en témoigne :

« J’ai particulièrement apprécié la disposition du site de Melun-Villaroche qui permet d’avoir une vue sans obstacle sur les démonstrations avec un soleil dans le dos au fur et à mesure de l’après-midi, ce qui évite d’être ébloui (au sens propre, mais pas au sens figuré !) et garantit des photos incroyables lorsque la lumière devient rasante. Le programme était intelligemment construit et les tableaux s’enchaînaient naturellement.
J’ai pris beaucoup de plaisir à pouvoir déambuler le matin au milieu des avions présentés, dont beaucoup sont des Warbird légendaires rarement visibles tous ensemble. J’ai également apprécié les stands tous de grande qualité.

Les démos étaient d’excellente facture et il est difficile d’en singulariser une. Toutefois comme c’était la première fois que je pouvais les découvrir en meeting, je dois reconnaître que la présentation des GUSTO fut particulièrement belle en valorisant parfaitement les superbes lignes du Mirage 2000 de défense aérienne. Ayant la chance de bien connaître le 2/5, je suis toutefois conscient de ne pas être forcément très objectif dans mon appréciation…

Ce meeting est un retour aux sources rafraîchissant : la France, qui est le berceau de l’aviation, a un patrimoine aéronautique sous-exploité et cet événement, sans doute désormais la référence dans le domaine en Europe, a su remarquablement mettre en avant les arabesques des avions de légende qui ont fait l’histoire et notamment contribué à la renommée des ailes françaises. »

Les organisateurs du meeting Air Legend auront une fois de plus offert pour cette édition une surprise avec l’arrivée spectaculaire de deux Spitfire, avion emblématique de la Bataille de France et de la victoire des Alliés lors de la Seconde guerre mondiale, une démonstration qui donnait déjà un avant-goût de la célébration de l’anniversaire  de l’EC 2/5 Île de France.

 

 

… à la célébration des 80 ans de l’escadron sur la BA 115

Éric Goujon, pilote du Supermarine Sptifire PR MK XIX a accepté de livrer son expérience sur cette machine emblématique lors de ces deux manifestations aériennes :

« Quelle belle journée d’aviation que celle qui eut lieu à la Base aérienne 115 d’Orange-Caritat pour la célébration des 80 ans de l’escadron “Ile de France”. Lors de cette commémoration, beaucoup de vols ont étés organisés afin d’offrir aux invités une journée d’aviation de spectacle.

Pour rappel, cet escadron a été crée par le Général De Gaulle en octobre 1941 à Turnhouse en Écosse, sous le nom de Free French Squadron 340. Les aviateurs à l’époque volaient d’abord sur Spitfire Mk2, MK9 puis MK16, au sein de la Royal Air Force1. Aujourd’hui, l’EC 2/5 Île de France est équipé de Mirage 2000 de défense aérienne, comme ceux que nous avons pu voir lors du meeting d’Air Legend à Melun-Villaroche avec la patrouille Gusto.

Mon ami Christophe Jacquard m’avait alors chargé avec son Spitfire d’être sur place pour offrir la vision de l’évolution de ces quatre-vingts dernières années depuis le Spitfire de 1941, jusqu’au Mirage 2000 toujours en service actif en 2021. Ce fut une belle émotion également à titre personnel, car après avoir volé sur Mirage 2000 lorsque j’étais en service dans l’armée de l’Air, la vision de la Base d’Orange et de ses équipements m’ont rappelé mes premiers vols Mirage F1 en 1985… Alors être présent à cette cérémonie avec ce superbe Spitfire fut un véritable cadeau de la vie …

Cette journée commença par un vol d’une heure le long de la vallée du Rhône depuis le petit aérodrome de Dijon-Darois, et ce, dès la levée de brume. Démarrer un Spitfire de bon matin n’est pas chose commune de nos jours, surtout ce modèle-ci qui est équipé du gros moteur V12 Griffon, lequel développe 2400HP. Cette cavalerie exige d’être précis et humble aux commandes afin de pousser la machine au décollage. Conformément à sa légende, le Spitfire est en effet hors-normes à voler. Il est conçu pour être homogène et en permanence trimé (tout comme la génération des avions à commandes de vols électrique, type Mirage 2000 et Rafale), ce qui est une sensation unique.

On se sent bien à bord de ce chasseur et toutes ses commandes sont facilement accessibles car à portée de main. Lors d’un vol de type démonstration, les vitesses vont de 120 Kts à 310 Kts, les commandes se bougent facilement avec seulement la force de l’avant bras et avec peu d’amplitude, puis avec les variations de vitesse dans les figures verticales, le contrôle de l’avion avec la dérive se fait avec des actions douces sur le palonnier et ceci malgré les forts effets inverses donnés par l’hélice. Tout ceci dans de belles trajectoires courbes à seulement 4G, afin de préserver l’avion d’une part et surtout de bien garder l’énergie nécessaire au dynamisme de la démonstration d’autre part.

Pour clôturer le vol, c’est l’atterrissage : un mélange de sensations d’avions très fin à poser – type “Jodel D112” – et de machine lourde dont il faut se méfier en permanence. Le nez de l’avion bouge de droite à gauche à chaque correction de puissance, ce qui pousse à piloter avec une grande concentration, finesse et précision. À la sortie des roues puis des volets, l’avion ralentit en vol et le capot moteur devient alors de plus en plus gênant. D’où la nécessité d’ouvrir la verrière, de monter le siège de deux crans, puis de regarder de coté et mettre l’avion en légère glissade (1/2 bille suffit), ce qui va permettre de redonner un bon visuel pour garder les 80Kts de vitesse atterrissage. Une bonne réduction des gaz de ce gros moteur à 100 mètres du point d’aboutissement s’impose, car l’avion entre dans un effet de sol qui se doit d’être très contrôlé, afin d’arriver au fameux contact « trois points ». Le freinage pneumatique central au manche est très confortable et c’est seulement lorsque l’avion est arrêté, lorsque le rythme imposé est fini, que l’on peut sourire …

Chaque vol est nouveau et il ne faut jamais se baser sur ce qui s’est passé lors des vols précédents. Il faut bien avoir à l’esprit que début 1945 jamais un si gros moteur n’avait été installé dans une si petite cellule d’avion. Les effets de couple d’hélice et de dissymétrie sont ainsi très présents et l’avion se comporte parfois plus en adversaire qu’en ami. On ne peut donc jamais aborder un vol sur cette machine d’une manière tranquille. On monte à bord sachant que le vol va s’avérer tres exigeant et demander beaucoup de soi-même afin d’être à la hauteur. Cette machine donne des moments de pilotage hors normes et on ne sort pas indemne de cette relation : elle influence le pilote plus qu’on ne pourrait l’imaginer. »

 

 

Pour un historique de l’E/C 25 ile de France, voir notamment les PDFs et documents historiques accessibles en cliquant sur les liens suivants et issus du site internet de l’escadron (>>> https://ec25iledefrance.com ) :

Voir égalementà propos des insignes de l’escadron :

Diaporama  © Frédéric Debruyne

 

1 Ce reportage, diffusé ici sous forme d’une série de huit brèves correspondant chacune à une interview spécifique, a été publié en partie dans notre numéro # 53 54 paru en octobre.